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^8 RELATION DE LA MALADIE, ETC.

deux devoirs. — Eh bien! oui, dit le confessé, puisque vous m'y forcez, j'aime Dieu, et le prochain comme je peux.

— N'avez-vous point lu souvent de mauvais livres? dit le con- fessant. — Qu'entendez-vous par mauvais livres? dit le confessé. — Je n'entends pas, dit le confessant , les livres simplement en- nuyeux, comme l'Histoire romaine des frères Catrou et Rouillé, et vos tragédies de collèges, et vos livres intitulés des Belles-Lettres, et la Louisiade de votre Lemoine, et les vers de votre Ducerceau sur la ravigote, et ses nobles stances sur le messager du Mans, et le remerciement au duc du Maine pour des pâtés, et votre Pensez-y bien, et toutes les finesses du bel-esprit monacal ; j'en- tends les imaginations de frère Bougeant', condamnées par le parlement et par l'archevêque de Paris ; j'entends les gentillesses de frère Berruyer, qui a changé rAncien et le Nouveau Testament en un roman de ruelle dans le goût de Clèlie, si justement flétri à Rome et en France'^; j'entends la théologie de frère Busembaum et de frère Lacroix ', qui ont si hautement renchéri sur tout ce qu'avaient écrit frère Guignard, et frère Gueret, et frère Garnet, et frère Oldcorn, et tant d'autres; j'entends frère Jouvency, qui compare finement le président de Harlai à Pilate, le parlement aux Juifs, et frère Guignard à Jésus-Christ, parce qu'un citoyen trop emporté, mais pénétré d'une juste horreur contre un profes- seur du parricide, s'avisa de cracher au visage de frère Guignard, assassin de Henri IV, dans le temps que ce monstre impénitent refusait de demander pardon au roi et à la justice ; j'entends enfin cette foule innombrable de vos casuistes, que l'éloquent Pascal a trop épargnés, et surtout votre Sanchez, qui, dans son livre De Matrimonio, a fait un recueil de tout ce que l'Arétin et le Portier lies Chartreux auraient tremblé de dire\ Pour peu que vous ayez fait de telles lectures, vous êtes en grand danger de votre salut.

-1. V'oycz ce que Voltaire dit de Bougeant et de son Amusement jihUosophique sur le lanç/aye des bétes, tome XVJI, page 2i8.

2. L'Histoire du peuple de Dieu, par le P. Berruyer (première partie), 1728, sept volumes in-4o ou dix volumes in-12. (B.)

3. Ces deux honnêtes jésuites disent, dans ce beau livre réimprimé depuis peu, qu'un citoyen, proscrit par un prince, ne peut être assassiné légitimement que dans le territoire du prince; mais qu'un prince, proscrit par le pape, peut ■être assassiné dans toute la terre, parce que le pape est souverain de la terre; qu'un linmmo chargé de tuer un excommunie peut donner cette commission à un autre; que c'est un acte de charité d'accepter cette commission, etc., pages 101, 102, 103. {Note de Voltaire.) — Voyez la note, tome XII, page 559.

4. Ce frère Sanchez examine « Utrum femina quae nondum seminavit, possit, virili membro extracto, se tactibus ad seminandum provocare » ? Lib. IX, disp. XVII, n° 8. « Semen ubi femina effudit, an teneatur alter effundere, sive

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