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VIE DE MOLIÈRE.

attendre de son empressement à y entrer. Il y étudia cinq années ; il y suivit le cours des classes d’Armand de Bourbon, premier prince de Conti, qui depuis fut le protecteur des lettres et de Molière.

Il y avait alors dans ce collége deux enfants qui eurent depuis beaucoup de réputation dans le monde. C’étaient Chapelle et Bernier : celui-ci, connu par ses voyages aux Indes, et l’autre, célèbre par quelques vers naturels et aisés, qui lui ont fait d’autant plus de réputation qu’il ne rechercha pas celle d’auteur.

L’Huillier, homme de fortune, prenait un soin singulier de l’éducation du jeune Chapelle, son fils naturel ; et, pour lui donner de l’émulation, il faisait étudier avec lui le jeune Bernier, dont les parents étaient mal à leur aise. Au lieu même de donner à son fils naturel un précepteur ordinaire et pris au hasard, comme tant de pères en usent avec un fils légitime qui doit porter leur nom, il engagea le célèbre Gassendi à se charger de l’instruire.

Gassendi ayant démêlé de bonne heure le génie de Poquelin, l’associa aux études de Chapelle et de Bernier. Jamais plus illustre maître n’eut de plus dignes disciples. Il leur enseigna sa philosophie d’Épicure, qui, quoique aussi fausse que les autres, avait au moins plus de méthode et plus de vraisemblance que celle de l’école, et n’en avait pas la barbarie.

Poquelin continua de s’instruire sous Gassendi. Au sortir du collége, il reçut de ce philosophe les principes d’une morale plus utile que sa physique, et il s’écarta rarement de ces principes dans le cours de sa vie.

Son père étant devenu infirme et incapable de servir, il fut obligé d’exercer les fonctions de son emploi auprès du roi. Il suivit Louis XIII dans le voyage que ce monarque fit en Languedoc en 1641 ; et, de retour à Paris, sa passion pour la comédie, qui l’avait déterminé à faire ses études, se réveilla avec force.

Le théâtre commençait à fleurir alors : cette partie des belles-lettres, si méprisée quand elle est médiocre, contribue à la gloire d’un État quand elle est perfectionnée.

Avant l’année 1625, il n’y avait point de comédiens fixes à Paris[1]. Quelques farceurs allaient, comme en Italie, de ville en ville : ils jouaient des pièces de Hardy, de Monchrétien, ou de Balthazar Baro.

  1. Il y a bien des erreurs dans cet aperçu historique. On ne peut que rectifier les plus importantes, et renvoyer pour le reste aux récents ouvrages sur le théâtre.