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DU DOCTEUR AKAKIA.

son malade, et il tâcha encore de lui remettre l’esprit par cette lettre amiable.

Lettre du docteur Akakia au natif de Saint-Malo[1].
Monsieur le Président,

J’ai reçu la lettre dont vous m’honorez. Vous m’apprenez que vous vous portez bien, que vos forces sont entièrement revenues, et vous me menacez de venir m’assassiner si je publie la lettre de La Beaumelle. Quelle ingratitude envers votre pauvre médecin Akakia ! Vous ne vous contentez pas d’ordonner qu’on ne paye point son médecin, vous voulez le tuer ! Ce procédé n’est ni d’un président d’académie ni d’un bon chrétien, tel que vous êtes. Je vous fais mon compliment sur votre bonne santé ; mais je n’ai pas tant de forces que vous. Je suis au lit depuis quinze jours, et je vous prie de différer la petite expérience de physique que vous voulez faire. Vous voulez peut-être me disséquer ? Mais songez que je ne suis pas un géant des terres Australes, et que mon cerveau est si petit que la découverte de ses fibres ne vous donnera aucune nouvelle notion de l’âme. De plus, si vous me tuez, ayez la bonté de vous souvenir que M. de La Beaumelle m’a promis de me poursuivre jusqu’aux enfers ; il ne manquera pas de m’y aller chercher : quoique le trou qu’on doit creuser par votre ordre jusqu’au centre de la terre, et qui doit mener tout droit en enfer, ne soit pas encore commencé, il y a d’autres moyens d’y aller, et il se trouvera que je serai malmené dans l’autre monde comme vous m’avez persécuté dans celui-ci. Voudriez-vous, monsieur, pousser l’animosité si loin ?

Ayez encore la bonté de faire une petite attention : pour peu que vous vouliez exalter votre âme pourvoir clairement l’avenir, vous verrez que si vous venez m’assassiner à Leipsick, où vous n’êtes pas plus aimé qu’ailleurs, et où votre lettre est déposée, vous courez quelque risque d’être pendu, ce qui avancerait trop le moment de votre maturité, et serait peu convenable à un président d’académie. Je vous conseille de faire d’abord déclarer la lettre de La Beaumelle forgée et attentatoire à votre gloire, dans une de vos assemblées ; après quoi il vous sera plus permis, peut-être, de me tuer comme perturbateur de votre amour-propre.

  1. Voyez les notes de la page 581.