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DU DOCTEUR AKAKIA.

surer l’honneur de cette découverte dans quelque poulailler, ou par sentence criminelle de quelque académie.

On voit, par le compte que nous venons de rendre, que si ces lettres imaginaires étaient d’un président, elles ne pourraient être que d’un président de Bedlam[1], et qu’elles sont incontestablement, comme nous l’avons dit, d’un jeune homme qui s’est voulu parer du nom d’un sage, respecté, comme on sait, dans toute l’Europe, et qui a consenti d’être déclaré grand homme. Nous avons vu quelquefois au carnaval, en Italie, Arlequin déguisé en archevêque ; mais on démêlait bien vite Arlequin à la manière dont il donnait la bénédiction. Tôt ou tard on est reconnu ; cela rappelle une fable de La Fontaine (livre V, fable xxi) :

Un petit bout d’oreille échappé par malheur
         Découvrit la fourbe et l’erreur.

Ici l’on voit des oreilles tout entières.

[2]Tout considéré, nous déférons à la sainte Inquisition le livre imputé au président, et nous nous en rapportons aux lumières infaillibles de ce docte tribunal, auquel on sait que les médecins ont tant de foi.

Décret de l’Inquisition de Rome.

Nous, P. Pancrace, etc., inquisiteur pour la foi, avons lu la Diatribe de monsignor Akakia, médecin ordinaire du pape, sans savoir ce que veut dire Diatribe, et n’y avons rien trouvé de contraire à la foi ni aux décrétales. Il n’en est pas de même des Œuvres et Lettres du jeune inconnu déguisé sous le nom d’un président.

Nous avons, après avoir invoqué le Saint-Esprit, trouvé dans les œuvres, c’est-à-dire dans l’in-4o de l’inconnu, force propositions téméraires, malsonnantes, hérétiques et sentant l’hérésie. Nous les condamnons collectivement, séparément, et respectivement.

Nous anathématisons spécialement et particulièrement l’Essai de Cosmologie, où l’inconnu, aveuglé par les principes des enfants de Bélial, et accoutumé à trouver tout mauvais, insinue, contre la parole de l’Écriture[3], que c’est un défaut de providence que

  1. Les petites-maisons à Londres. (Note de Voltaire.)
  2. Cet alinéa ne fut ajouté qu’en 1756.
  3. Œuvres, page 9. (Note de Voltaire.)