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CONTRE LE TESTAMENT POLITIQUE

pitre, il est évident que l’auteur feint d’écrire en 1640 : car il fait dire au cardinal de Richelieu dans un jargon barbare, parlant de la guerre avec l’Espagne : « Ce n’est pas que dans cette guerre, qui a duré cinq ans, il ne vous est arrivé aucun mauvais accident, etc. » Or cette guerre avait commencé en 1635, et le dauphin était né en 1638. Comment dans un écrit politique, qui entre dans les détails des cas privilégiés, des appels comme d’abus, du droit d’induit, et des vents qui règnent sur la Méditerranée, oublie-t-on l’éducation de l’héritier de la monarchie ? Certes le faussaire est bien maladroit. La véritable cause de cette faute d’omission, c’est que dans plusieurs autres endroits du livre, l’auteur, oubliant qu’il a feint d’écrire en 1639 et en 1640, s’avise ensuite d’écrire en 1635. Il donne à Louis XIII vingt-cinq ans de règne au lieu de lui en donner trente : contradiction palpable, et démonstration évidente d’une supposition que rien ne peut pallier.

VII. Quoi ! Louis XIII est engagé dans une guerre ruineuse contre la maison d’Autriche ; les ennemis sont aux frontières de la Champagne et de la Picardie ; et son premier ministre, qui lui a promis des conseils, ne lui dit rien, ni de la manière dont il faut soutenir cette guerre dangereuse, ni de celle dont on peut faire la paix, ni des généraux, ni des négociateurs qu’on peut employer ? Quoi ! pas un mot de la conduite qu’on doit tenir avec le chancelier Oxenstiern, avec l’armée du duc de Veimar, avec la Savoie, avec le Portugal et la Catalogne ? On ne trouve rien sur les révolutions que le cardinal lui-même fomentait en Angleterre ; rien sur le parti huguenot, qui respirait encore la faction et la vengeance. Il me semble voir un médecin qui vient pour prescrire un régime à son malade, et qui lui parle de tout autre chose que de santé.

VIII. Celui qui a débité ses idées sous le nom du cardinal de Richelieu commence par se servir des succès mêmes que ce grand homme avait eus dans son ministère, pour lui faire avancer qu’il avait promis ces succès au roi son maître. Le cardinal avait abaissé les grands du royaume, qui étaient dangereux ; les huguenots, qui l’étaient davantage ; et la maison d’Autriche, qui avait été encore plus à craindre : de là il infère que le cardinal avait promis ces révolutions au roi, dès qu’il était entré dans le conseil. Voici les paroles qu’il prête au cardinal : « Lorsque Votre Majesté se résolut de me donner en même temps et rentrée de ses conseils, et grande part en sa confiance… je lui promis d’employer toute l’autorité qu’il lui plaisait me donner pour rui-