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MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

la religion chrétienne ; l’abbé Desfontaines écrit contre ce livre à mesure qu’il le lit, fait imprimer à mesure qu’il compose, et enfin[1] (quel aveu pour un satirique !) il est obligé d’avouer, dans le cours de sa critique, qu’il s’est hâté de reprendre, dans la première partie du livre de M. l’abbé de Houteville, les choses dont il trouve l’explication dans la seconde : y a-t-il un plus grand exemple d’une satire injuste et précipitée ?

Imprime-t-on un livre sage et ingénieux de M. de Muralt[2], qui fait tant d’honneur à la Suisse, et qui peint si bien les Anglais chez lesquels il a voyagé : l’abbé Desfontaines prend la plume, déchire M. de Muralt, qu’il ne connaît pas, et décide sur l’Angleterre, qu’il n’a jamais vue. Quelles censures injustes, amères, mais frivoles, de l’Histoire du vicomte de Turenne, par M. de Ramsay ! Ce savant Écossais écrit dans notre langue avec une éloquence singulière[3] ; il honore par là notre nation : et un homme qui, dans ses gazettes littéraires, ose parler au nom de cette nation, outrage cet étranger estimable ! L’illustre marquis Maffei fait-il un voyage en France, l’observateur[4] saisit cette occasion pour l’avilir, pour parler indignement de la tragédie de Mérope ; il en traduit des scènes, et on lui a prouvé qu’il en avait altéré le sens. Avec quelle opiniâtreté ne s’est-il pas longtemps déchaîné contre M. de Fontenelle, jusqu’à ce qu’enfin on lui ait imposé silence ! Mais que la satire est aveugle, et qu’on est malheureux de ne chercher qu’à reprendre là où tous les autres hommes cherchent à s’instruire ! Il s’honorait de l’amitié et des instructions de M. l’abbé d’Olivet ; il fait imprimer furtivement un livre contre lui ; il ose le dédier à l’Académie française, et l’Académie flétrit à jamais dans ses registres et le livre et la dédicace de l’auteur[5].

Quel acharnement personnel l’abbé Desfontaines n’a-t-il pas marqué contre feu M. de Lamotte ? Y a-t-il beaucoup de gens de lettres qu’il n’ait point offensés ? Par où est-il connu que par ses outrages ? Quel trouble n’a-t-il pas voulu porter partout, tantôt imprimant les satires les plus sanglantes contre un certain au-

  1. Lettres contre l’abbé de Houteville. (Note de Voltaire.) — Voltaire veut parler des Lettres de M. l’abbé *** à M. l’abbé Houteville, 1722 : il y a vingt lettres. Le fond est du jésuite Hougnant. (B.)
  2. Lettres sur les Anglais et les Français, 1726, deux volumes in-12.
  3. Variante. « Une élégance singulière. » (Voltaire et la Police, page 188.)
  4. Desfontaines était le rédacteur des Observations sur les ouvrages modernes ; voyez tome XXII, page 372.
  5. Racine vengé, ouvrage composé à propos des Remarques de l’abbé d’Olivet sur ce poëte.