Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


ÉLOGE FUNÈBRE
DES OFFICIERS
QUI SONT MORTS DANS LA GUERRE DE 1741
(1748[1])


Un peuple qui fut l’exemple des nations, qui leur enseigna tous les arts, et même celui de la guerre, le maître des Romains, qui ont été nos maîtres, la Grèce enfin, parmi ses institutions qu’on admire encore, avait établi l’usage de consacrer, par des éloges funèbres, la mémoire des citoyens qui avaient répandu leur sang pour la patrie. Coutume digne d’Athènes, digne d’une nation valeureuse et humaine, digne de nous ! Pourquoi ne la suivrions-nous pas, nous longtemps les heureux rivaux en tant de genres de cette nation respectable ? Pourquoi nous renfermer dans l’usage de ne célébrer après leur mort que ceux qui, ayant été donnés en spectacle au monde par leur élévation, ont été fatigués d’encens pendant leur vie ?

Il est juste sans doute, il importe au genre humain, de louer les Titus, les Trajan, les Louis XII, les Henri IV, et ceux qui leur ressemblent. Mais ne rendra-t-on jamais qu’à la dignité ces devoirs, si intéressants et si chers quand ils sont rendus à la personne ; si vains quand ils ne sont qu’une partie nécessaire d’une pompe funèbre, quand le cœur n’est point touché, quand la vanité seule de l’orateur parle à la vanité des hommes, et que, dans un discours composé et dans une division forcée, on s’épuise en

  1. Ce morceau a été imprimé pour la première fois dans le volume intitulé la Tragédie de Sémiramis, et quelques autres pièces de littérature, 1749, in-8o et in-12. Il porte la date du 1er juin 1748. Ce n’est que dix ans plus tard que l’Académie française commença à proposer pour sujet de prix d’éloquence l’éloge d’un homme célèbre. Le premier ouvrage de ce genre qui fut couronné est l’Éloge du maréchal de Saxe, par Thomas, en 1759. (B.)