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DES INSTITUTIONS PHYSIQUES.

nables, ni aucune de ces hypothèses philosophiques qui semblent faites pour détourner les hommes du chemin du vrai, et qui ont égaré l’antiquité, Descartes, et Leibnitz.

Newton, ayant découvert et démontré qu’une pierre retombe sur la terre par la même loi qui fait tourner Saturne autour du soleil, etc., appela ce phénomène attraction, gravitation ; ensuite il démontra qu’aucun fluide et aucune loi du mouvement ne peuvent être cause de cette gravitation.

Il démontre encore que cette gravitation est dans toutes les parties de la matière, à peu près de même que les parties d’un corps en mouvement sont toutes en mouvement.

Newton, dans ses Recherches sur l’Optique, déploya ce même esprit d’invention qui s’appuie sur des vérités incontestables, entièrement opposé à cet esprit d’invention qui se joue dans des hypothèses. Il trouva entre les corps et la lumière une attraction nouvelle dont jamais on ne s’était aperçu avant lui. Il trouva encore, par l’expérience, d’autres attractions, comme, par exemple, entre deux petites boules de cristal, qui, pressées l’une contre l’autre, acquièrent une force de huit onces, etc., etc.

Mille gens ont voulu rendre raison de toutes ces découvertes ; ceux surtout qui n’en ont jamais fait ont tous fait des systèmes. Newton seul s’en est tenu aux vérités, peut-être inexplicables, qu’il a trouvées. La même supériorité de génie qui lui a fait connaître ces nouveaux secrets de la création l’a empêché d’en assigner la cause. Il lui a paru très-vraisemblable que cette attraction est elle-même une cause première dépendante de celui qui seul a tout fait. C’est sur quoi ceux qui en Allemagne ont pris le parti de Leibnitz se sont élevés ; et notre illustre auteur a la complaisance pour eux de prêter de la force à leurs objections. Un corps ne peut se mouvoir, dit-elle, vers un autre, sans qu’il arrive à ce corps aucun changement ; ce changement ne peut venir que de l’un des deux corps, ou que du milieu qui les sépare. Or, il n’y a aucune raison pour qu’un corps agisse sur un autre sans le toucher ; il n’y a aucune raison de son attraction dans le milieu qui les sépare, puisque les newtoniens disent que ce milieu est vide : donc l’attraction étant sans raison suffisante, il n’y a point d’attraction.

Les newtoniens répondront que l’attraction, la gravitation, quelle qu’elle soit, étant réelle et démontrée, aucune difficulté ne peut l’ébranler, et qu’étant tout de même démontré qu’aucun fluide ne peut causer cette attraction qui subsiste entre les corps célestes, la raison suffisante est bien loin de suffire à prouver que les corps ne peuvent s’attirer sans milieu.