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EXPOSITION DU LIVRE

physiques n’a pas voulu encore exposer ce sentiment, elle a voulu y préparer les esprits.

Si on doit être content de cet art, de cette élégance, avec lesquels l’illustre auteur a rendu compte de tous ces sentiments extraordinaires, on ne doit pas moins admirer les ménagements et les précautions ingénieuses dont elle colore les idées de Leibnitz sur la nature des corps.

Ces corps étendus étant composés de monades non étendues, c’est toujours à ces monades qu’il en faut revenir. Il n’y a point de corps qui n’ait à la fois étendue, force active, et force passive : voilà, disent les leibnitziens, la nature des corps ; mais c’est aux monades à qui appartient de droit la force active et passive.

Il est encore ici assez étrange que, les monades étant les seules substances, les corps aient l’étendue pour eux, et les monades aient la force. Ces monades sont toujours en mouvement, quoique ne tenant point de place ; et c’est des mouvements d’une infinité de monades qu’un boulet de canon reçoit le sien. Voilà donc le mouvement essentiel, non pas tout à fait à la matière, mais aux êtres intangibles et inétendus qui composent la matière. Ces monades ont un principe actif qui est la raison suffisante pourquoi un corps en pousse un autre ; et un principe passif qui rend aussi une raison très-suffisante, pourquoi les corps résistent. Il faut avoir tout l’esprit de la personne qui a fait les Institutions physiques, pour répandre quelque clarté sur des choses qui paraissent si obscures.

Chacun de ces sujets fait un article à part, et on reconnaît partout la même méthode et la même élégance. Les découvertes de Galilée sur la pesanteur et sur la chute des corps sont surtout mises dans un jour très-lumineux. L’auteur paraît là plus à son aise qu’ailleurs, puisqu’il n’y a que des vérités à développer.

L’auteur s’élève ici fort au-dessus de ce qu’elle appelle modestement Institutions. On voit dans ce chapitre comment Newton découvrit cette vérité si admirable, et si inconnue jusqu’à lui, que la même force qui opère la pesanteur sur la terre fait tourner les globes célestes dans leurs orbites. Kepler avait préparé la voie à cette recherche, et quelques expériences faites par des astronomes français déterminèrent Newton à la faire. Ce n’est point un système imaginaire et métaphysique qu’il ait tâché de rendre probable par des raisons spécieuses ; c’est une démonstration tirée de la plus sublime géométrie, c’est l’effort de l’esprit humain, c’est une loi de la nature que Newton a développée : il n’y a ici ni monade, ni harmonie préétablie, ni principes des indiscer-