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DES COMÈTES.

qui viennent traverser un ciel au centre duquel est le soleil. Pour voir les progrès de la raison humaine, il n’est pas inutile de rappeler ici la pensée d’Aristote et de tous les péripatéticiens sur les comètes : ils croyaient que c’étaient des exhalaisons. Ces globes, dont l’orbite s’étend si loin au-dessus de Saturne, leur paraissaient des feux follets placés fort au-dessous de la lune, qui était, selon eux, la sphère du feu.

Il est vrai que, longtemps avant Aristote, on avait eu, en Égypte et à Babylone, des notions bien plus saines de l’astronomie. Pythagore, qui avait voyagé dans l’Orient, en avait rapporté non-seulement la connaissance du vrai système du monde, renouvelé depuis par Copernic, mais il y avait encore puisé l’idée que les comètes sont des planètes qui tournent autour du soleil.

Il est à croire que les Orientaux avaient deviné ces vérités par une suite de conséquences qui apparemment ne parvinrent pas jusqu’aux Grecs, lorsque Alexandre envoya les observations babyloniennes à Aristote. Il faut faire l’honneur aux Grecs de croire qu’ils n’auraient point corrompu à plaisir des systèmes bien prouvés, pour leur en substituer de si faux et de si peu philosophiques.

Tycho-Brahé fut le premier des modernes qui osa dire que les comètes n’étaient point au-dessous de la lune, et qu’elles allaient jusqu’à l’apogée de Vénus. Il était trop peu hardi.

Descartes, qui n’en avait point observé, jugea pourtant qu’elles pouvaient dans leurs cours s’élever fort au-dessus de Saturne ; mais en quoi il se trompa, ce fut en assurant sans aucune preuve, et même sans vraisemblance, que les comètes ne s’approchaient jamais plus près de nous que vers l’orbe de Saturne: ce qui le jetait dans cette erreur était cette hypothèse de tourbillons de matière subtile, qui mène toujours à la fausseté.

Il sentait la difficulté qu’il y aurait eu dans son système à faire circuler, contre l’ordre des signes, ces globes étrangers au milieu de nos planètes, et dans ce plein de matière subtile.

Il les regardait donc à la vérité comme des globes célestes ; mais, ne se servant dans cet examen que de son imagination, il disait que c’étaient des soleils encroûtés qui, ayant quitté le centre de leur tourbillon, s’en allaient éternellement et le plus qu’ils pouvaient en ligne directe des confins d’un tourbillon dans les confins d’un autre tourbillon, sans que dans ce plein infini, et dans le cours de ces torrents immenses différemment emportés, leur marche fût interrompue. De quel égarement sont suscep-