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DE L’ATTRACTION.

On dit souvent que l’attraction est une qualité occulte.

Si on entend par ce mot un principe réel dont on ne peut rendre raison, tout l’univers est dans ce cas. Nous ne savons ni comment il y a du mouvement, ni comment il se communique, ni comment les corps sont élastiques, ni comment nous pensons, ni comment nous vivons, ni comment ni pourquoi quelque chose existe : tout est qualité occulte.

Si on entend par ce mot une expression de l’ancienne école, un mot sans idée, que l’on considère seulement que c’est par les plus sublimes et les plus exactes démonstrations mathématiques que Newton a fait voir aux hommes ce principe qu’on s’efforce de traiter de chimère.

Nous avons vu que les rayons réfléchis d’un miroir ne sauraient venir à nous de sa surface. Nous avons expérimenté que les rayons, transmis dans du verre à un certain angle, reviennent au lieu de passer dans l’air ; que, s’il y a du vide derrière ce verre, les rayons qui étaient transmis auparavant reviennent de ce vide à nous : certainement, il n’y a point là d’impulsion connue. Il faut de toute nécessité admettre un autre pouvoir ; il faut bien aussi avouer qu’il y a dans la réfraction quelque chose qu’on n’entendait pas jusqu’à présent.

Or quelle sera cette puissance qui rompra ce rayon de lumière dans ce bassin d’eau ? Il est démontré (comme nous le dirons au chapitre suivant) que ce qu’on avait cru jusqu’à présent un simple rayon de lumière est un faisceau de plusieurs rayons qui se réfractent tous différemment. Si, de ces traits de lumière contenus dans ce rayon, l’un se réfracte, par exemple à quatre mesures de la perpendiculaire, l’autre se rompra à trois mesures. Il est démontré que les plus réfrangibles, c’est-à-dire, par exemple, ceux qui en se brisant au sortir d’un verre, et en prenant dans l’air une nouvelle direction, s’approchent moins de la perpendiculaire de ce verre, sont aussi ceux qui se réfléchissent le plus aisément, le plus vite. Il y a donc déjà bien de l’apparence que ce sera la même loi qui fera réfléchir la lumière, et qui la fera réfracter.

Enfin, si nous trouvons encore quelque nouvelle propriété de la lumière qui paraisse devoir son origine à la force de l’attraction, ne devrons-nous pas conclure que tant d’effets appartiennent à la même cause ?

Voici cette nouvelle propriété, qui fut découverte par le P. Grimaldi, jésuite, vers l’an 1660, et sur laquelle Newton a poussé l’examen jusqu’au point de mesurer l’ombre d’un cheveu à des