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ET SUR SA PROPAGATION.

étant toujours eu mouvement, n’écartait ces parties toujours prêtes à s’unir.

Le feu résiste donc continuellement à l’effort des corps, et les corps lui résistent de même : cette action et cette réaction continuelles entretiennent donc un mouvement sans interruption dans toute la nature.

Pourquoi tous les animaux sont-ils plus grands le jour que la nuit ? Pourquoi les maisons sont-elles plus hautes à midi qu’à minuit ? Pourquoi toute la nature est-elle dans une agitation plus ou moins grande, selon que les climats sont plus ou moins chauds ? Faudra-t-il, pour expliquer ces phénomènes continuels, recourir à autre chose qu’au feu ? Son absence ne fait-elle pas sensiblement le repos ? Sa présence ne fait-elle pas sensiblement le mouvement ? Faudra-t-il, encore une fois, imaginer une autre matière que le feu pour rendre raison de la chaleur ?

Loin que ce soit le mouvement interne des corps qui puisse produire et faire en effet du feu, c’est donc réellement le feu qui produit le mouvement interne de tous les corps. Mais, dira-t-on, comment peut-il exciter des fermentations froides qui font baisser le thermomètre ? Comment peut-il, en agitant l’air, causer des vents qui apportent la gelée ?

Je répondrai que ces effets arrivent de la même manière que nous faisons geler les liqueurs en mettant du feu autour de la masse de neige et de sel qui entoure la liqueur que nous voulons glacer : à peine le feu a-t-il commencé à fondre cette masse de neige et de sel que notre liqueur se gèle ; voilà du mouvement et une fermentation des plus froides à la suite de ce mouvement. C’est ainsi qu’une demi-once de sel volatil d’urine, et trois onces de vinaigre, en fermentant, font baisser le thermomètre de neuf à dix degrés. Il y a certainement du feu dans ces deux liqueurs, sans quoi elles ne seraient point fluides ; mais il y a aussi autre chose que du feu, il y a des sels ; plusieurs parties de ces sels ne se coagulent-elles pas en la même manière que plusieurs parties de sel et de glace entrent dans nos liqueurs que nous glaçons ?

De même l’air dilaté par le moyen du feu, de quelque manière que ce puisse être, soit par des exhalaisons, soit par l’action immédiate des rayons du soleil ; cet air, dis-je, nous apporte du nord des sels coagulés ; et pourquoi ces sels se coagulent-ils dans un air que la chaleur dilate ? N’est-ce point que ces sels contiennent en eux moins de feu que les autres parties de l’atmosphère, et qu’ainsi ils s’unissent quand l’atmosphère se dilate ? Ils excitent alors un vent froid, qui n’est autre chose qu’une fermentation