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CONSEILS À UN JOURNALISTE.

une cérémonie dans laquelle on porte des habits antiques ; mais il ne faut point les porter ailleurs. On ferait même beaucoup mieux de faire parler le langage ordinaire aux lois, qui sont faites pour être entendues aisément. On devrait imiter l’élégance des Institutes de Justinien[1]. Mais que nous sommes loin de la forme et du fond des lois romaines !

Les écrivains doivent éviter cet abus, dans lequel donnent tous les gazetiers étrangers. Il faut imiter le style de la Gazette qui s’imprime à Paris : elle dit au moins correctement des choses inutiles[2].

La plupart des gens de lettres qui travaillent en Hollande, où se fait le plus grand commerce de livres, s’infectent d’une autre espèce de barbarie, qui vient du langage des marchands ; ils commencent à écrire par contre, pour au contraire ; cette présente, au lieu de cette lettre ; le change, au lieu de changement. J’ai vu des traductions d’excellents livres remplies de ces expressions. Le seul exposé de pareilles fautes doit suffire pour corriger les auteurs[3]. Plût à Dieu qu’il fût aussi aisé de remédier au vice qui produit tous les jours tant d’écrits mercenaires, tant d’extraits infidèles, tant de mensonges, tant de calomnies dont la presse inonde la république des lettres !

FIN DES CONSEILS À UN JOURNALISTE.
  1. La dernière phrase de cet alinéa n’est point dans le Mercure.
  2. L’édition de 1744 porte : « Les choses qu’elle doit dire. »
  3. Fin de l’article en 1737 ou 1744.