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DE LA VERTU ET DU VICE.

établir en France un gouvernement républicain sera condamné au dernier supplice. Le même juif qui à Metz[1] serait envoyé aux galères s’il avait deux femmes, en aura quatre à Constantinople, et en sera plus estimé des musulmans,

La plupart des lois se contrarient si visiblement qu’il importe assez peu par quelles lois un État se gouverne ; mais, ce qui importe beaucoup, c’est que les lois une fois établies soient exécutées, Ainsi, il n’est d’aucune conséquence qu’il y ait telles ou telles règles pour les jeux de dés et de cartes ; mais on ne pourra jouer un seul moment si l’on ne suit pas à la rigueur ces règles arbitraires dont on sera convenu[2].

La vertu et le vice, le bien et le mal moral, est donc en tout pays ce qui est utile ou nuisible à la société ; et dans tous les lieux et dans tous les temps, celui qui sacrifie le plus au public est celui qu’on appellera le plus vertueux. Il paraît donc que les bonnes actions ne sont autre chose que les actions dont nous retirons de l’avantage, et les crimes les actions qui nous sont contraires. La vertu est l’habitude de faire de ces choses qui plaisent aux hommes, et le vice l’habitude de faire des choses qui leur déplaisent.

Quoique ce qu’on appelle vertu dans un climat soit précisé-

  1. La seule ville du royaume où les juifs eussent une synagogue et fussent soufferts ouvertement.
  2. Nous croyons au contraire qu’il ne doit y avoir presque rien d’arbitraire dans les lois. 1° La raison suffit pour nous faire connaître les droits des hommes, droits qui dérivent tous de cette maxime simple qu’entre deux êtres sensibles, égaux par la nature, il est contre l’ordre que l’un fasse son bonheur aux dépens de l’autre. 2° La raison montre également qu’il est utile en général au bien des sociétés que les droits de chacun soient respectés, et que c’est en assurant ces droits d’une manière inviolable qu’on peut parvenir, soit à procurer à l’espèce humaine tout le bonheur dont elle est susceptible, soit à le partager entre les individus avec la plus grande égalité possible. Qu’on examine ensuite les différentes lois, on verra que les unes tendent à maintenir ces droits, que les autres y donnent atteinte ; que les unes sont conformes à l’intérêt général, que les autres y sont contraires. Elles sont donc ou justes ou injustes par elles-mêmes. Il ne suffit donc pas que la société soit réglée par des lois, il faut que ces lois soient justes. Il ne suffit pas que les individus se conforment aux lois établies, il faut que ces lois elles-mêmes se conforment à ce qu’exige le maintien du droit de chacun.
    Dire qu’il est arbitraire de faire cette loi ou une loi contraire, ou de n’en pas faire du tout, c’est seulement avouer qu’on ignore si cette loi est conforme ou contraire à la justice. Un médecin peut dire : Il est indifférent de donner à ce malade de l’émétique ou de l’ipécacuanha ; mais cela signifie : Il faut lui donner un vomitif, et j’ignore lequel des deux remèdes convient le mieux à son état. Dans la législation, comme dans la médecine, comme dans les travaux des arts physiques, il n’y a de l’arbitraire que parce que nous ignorons les conséquences de deux moyens qui dès lors nous paraissent indifférents. L’arbitraire naît de notre ignorance, et non de la nature des choses. (K.)