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VOYAGE DE SAINT PIERRE À ROME.

des métropolitains de Rome et de Constantinople furent établis au concile de Chalcédoine, en 451 de notre ère vulgaire ; et il ne fut question dans ce concile d’aucun voyage fait par un apôtre à Bysance où à Rome.

Les patriarches d’Alexandrie et de Constantinople suivirent le sort de leurs provinces. Les chefs ecclésiastiques des deux villes impériales et de l’opulente Égypte devaient avoir naturellement plus de priviléges, d’autorité, de richesses, que les évêques des petites villes.

Si la résidence d’un apôtre dans une ville avait décidé de tant de droits, l’évêque de Jérusalem aurait sans contredit été le premier évêque de la chrétienté. Il était évidemment le successeur de saint Jacques, frère de Jésus-Christ, reconnu pour fondateur de cette Église, et appelé depuis le premier de tous les évêques. Nous ajouterions que, par le même raisonnement, tous les patriarches de Jérusalem devaient être circoncis, puisque les quinze premiers évêques de Jérusalem[1], berceau du christianisme et tombeau de Jésus-Christ, avaient tous reçu la circoncision[2].

Il est indubitable que les premières largesses faites à l’Église de Rome par Constantin n’ont pas le moindre rapport au voyage de saint Pierre[3].

1° La première église élevée à Rome fut celle de Saint Jean ; elle en est encore la véritable cathédrale. Il est sûr qu’elle aurait été dédiée à saint Pierre s’il en avait été le premier évêque : c’est la plus forte de toutes les présomptions ; elle seule aurait pu finir la dispute.

2° À cette puissante conjecture se joignent des preuves négatives convaincantes. Si Pierre avait été à Rome avec Paul, les Actes des apôtres en auraient parlé, et ils n’en disent pas un mot.

3° Si saint Pierre était allé prêcher l’Évangile à Rome, saint Paul n’aurait pas dit dans son Épître aux Galates : « Quand ils virent que l’Évangile du prépuce m’avait été confié, et à Pierre celui de la circoncision, ils me donnèrent les mains à moi et à Barnabé ; ils consentirent que nous allassions chez les Gentils, et Pierre chez les circoncis. »

  1. Voyez tome XVIII, page 480.
  2. « Il fallut que quinze évêques de Jérusalem fussent circoncis, et que tout le monde pensât comme eux, coopérât avec eux. » (Saint Épiphane, hérés. lxx.)

    « J’ai appris, par les monuments des anciens, que jusqu’au siége de Jérusalem par Adrien, il y eut quinze évêques de suite natifs de cette ville. » (Eusèbe, livre IV.) (Note de Voltaire.)

  3. Voyez tome XI, page 239.