Le livre des Rois nous apprend que Salomon bâtit un temple à Moloch ; mais il ne nous dit pas que ce fût dans la vallée de Topheth : ce fut dans le voisinage, sur la montagne des Oliviers[1]. La situation était plus belle, si pourtant il peut y avoir quelque bel aspect dans le territoire affreux de Jérusalem.
Des commentateurs prétendent qu’Achaz, roi de Juda, fit brûler son fils à l’honneur de Moloch, et que le roi Manassé fut coupable de la même barbarie[2]. D’autres commentateurs prétendent[3] que ces rois du peuple de Dieu se contentèrent de jeter leurs enfants dans les flammes, mais qu’ils ne les brûlèrent pas tout à fait. Je le souhaite ; mais il est bien difficile qu’un enfant ne soit pas brûlé quand on le met sur un bûcher enflammé.
Cette vallée de Topheth était le Clamart de Paris ; c’était là qu’on jetait toutes les immondices, toutes les charognes de la ville. C’était dans cette vallée qu’on précipitait le bouc émissaire ; c’était la voirie où l’on laissait pourrir les charognes des suppliciés. Ce fut là qu’on jeta les corps des deux voleurs qui furent suppliciés avec le fils de Dieu lui-même. Mais notre Sauveur ne permit pas que son corps, sur lequel il avait donné puissance aux bourreaux, fût jeté à la voirie de Topheth selon l’usage. Il est vrai qu’il pouvait ressusciter aussi bien dans Topheth que dans le Calvaire ; mais un bon Juif nommé Joseph, natif d’Arimathie, qui s’était préparé un sépulcre pour lui-même sur le mont Calvaire, y mit le corps du Sauveur, selon le témoignage de saint Matthieu. Il n’était permis d’enterrer personne dans les villes ; le tombeau même de David n’était pas dans Jérusalem.
Joseph d’Arimathie était riche, « quidam homo dives ab Arimathia », afin que cette prophétie d’Isaïe fût accomplie : « Il donnera[4] les méchants pour sa sépulture, et les riches pour sa mort. » (Ch. liii, v. 9.)
- ↑ Livre III, chapitre xi. (Note de Voltaire.)
- ↑ Livre IV, chapitre xvi, v. 3. (Id.)
- ↑ Chapitre xxi, v. 6. (Id.)
- ↑ Le fameux rabbin Isaac, dans son Rempart de la foi, au chapitre xxiii, entend toutes les prophéties, et surtout celle-là, d’une manière toute contraire à la façon dont nous les entendons. Mais qui ne voit que les Juifs sont séduits par l’intérêt qu’ils ont de se tromper ? En vain répondent-ils qu’ils sont aussi intéressés que nous à chercher la vérité ; qu’il y va de leur salut pour eux comme pour nous ; qu’ils seraient plus heureux dans cette vie et dans l’autre, s’ils trouvaient cette vérité ; que s’ils entendent leurs propres écritures différemment de nous, c’est qu’elles sont dans leur propre langue très-ancienne, et non dans nos idiomes très-nouveaux ; qu’un Hébreu doit mieux savoir la langue hébraïque qu’un Basque ou un Poitevin ; que leur religion a deux mille ans d’antiquité plus que la nôtre ; que toute leur Bible annonce les promesses de Dieu, faites avec serment de ne changer jamais rien à la loi ; qu’elle fait des menaces terribles contre quiconque osera jamais en altérer une seule parole ; qu’elle veut même qu’on mette à mort tout prophète qui prouverait par des miracles une autre religion ; qu’enfin ils sont les enfants de la maison, et nous des étrangers qui avons ravi leurs dépouilles. On sent bien que ce sont là de très-mauvaises raisons qui ne méritent pas d’être réfutées. (Note de Voltaire.)