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THÉODOSE.

ou bouche d’or, prédicateur et un peu flatteur de Théodose, ne manqua pas d’appeler cette action un détestable sacrilége, attendu que Théodose était l’image de Dieu, et que son père était presque aussi sacré que lui. Mais si cet Espagnol ressemblait à Dieu, il devait songer que les Antiochiens lui ressemblaient aussi, et qu’il y eut des hommes avant qu’il y eût des empereurs.

Finxit in effigiem moderantum cuncta deorum.

(Ovid., Met., I, 83.)

Théodose envoie incontinent une lettre de cachet au gouverneur, avec ordre d’appliquer à la torture les principales images de Dieu qui avaient eu part à cette sédition passagère, de les faire périr sous des coups de cordes armées de halles de plomb, d’en faire brûler quelques-uns, et de livrer les autres au glaive. Cela fut exécuté avec la ponctualité de tout gouverneur qui fait son devoir de chrétien, qui fait bien sa cour, et qui veut faire son chemin. L’Oronte ne porta que des cadavres à la mer pendant plusieurs jours ; après quoi Sa gracieuse Majesté impériale pardonna aux Antiochiens avec sa clémence ordinaire, et doubla l’impôt.

Qu’avait fait l’empereur Julien dans la même ville, dont il avait reçu un outrage plus personnel et plus injurieux ? Ce n’était pas une méchante statue de son père qu’on avait abattue ; c’était à lui-même que les Antiochiens s’étaient adressés ; ils avaient fait contre lui les satires les plus violentes. L’empereur philosophe leur répondit par une satire légère et ingénieuse. Il ne leur ôta ni la vie ni la bourse. Il se contenta d’avoir plus d’esprit qu’eux. C’est là cet homme que saint Grégoire de Nazianze et Théodoret, qui n’étaient pas de sa communion, osèrent calomnier jusqu’à dire qu’il sacrifiait à la lune des femmes et des enfants ; tandis que ceux qui étaient de la communion de Théodose ont persisté jusqu’à nos jours, en se copiant les uns les autres, à redire en cent façons que Théodose fut le plus vertueux des hommes, et à vouloir en faire un saint.

On sait assez quelle fut la douceur de ce saint dans le massacre de quinze mille de ses sujets à Thessalonique. Ses panégyristes réduisent le nombre des assassinés à sept ou huit mille : c’est peu de chose pour eux. Mais ils élèvent jusqu’au ciel la tendre piété de ce bon prince, qui se priva de la messe, ainsi que son complice, le détestable Rufin. J’avoue, encore une fois[1], que

  1. Voyez tome XI, page 298 ; et dans les Mélanges, année 1766, l’opuscule des Conspirations contre les peuples : année 1767, la note du chapitre xxxiv de l’Examen important de milord Bolingbroke ; et année 1769, l’opuscule de la Paix perpétuelle.