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RELIQUES.

nent des registres des circoncis, les curés ou pasteurs des registres des baptisés ; qu’il y ait des mosquées, des églises, des temples, des jours consacrés à l’adoration et au repos, des rites établis par la loi ; que les ministres de ces rites aient de la considération sans pouvoir ; qu’ils enseignent les bonnes mœurs au peuple, et que les ministres de la loi veillent sur les mœurs des ministres des temples. Cette religion de l’État ne peut en aucun temps causer aucun trouble.

Il n’en est pas ainsi de la religion théologique : celle-ci est la source de toutes les sottises et de tous les troubles imaginables ; c’est la mère du fanatisme et de la discorde civile ; c’est l’ennemie du genre humain. Un bonze prétend que Fo est un dieu ; qu’il a été prédit par des fakirs ; qu’il est né d’un éléphant blanc ; que chaque bonze peut faire un Fo avec des grimaces. Un talapoin dit que Fo était un saint homme dont les bonzes ont corrompu la doctrine, et que c’est Sammonocodom qui est le vrai dieu. Après cent arguments et cent démentis, les deux factions conviennent de s’en rapporter au dalaï-lama, qui demeure à trois cents lieues de là, qui est immortel et même infaillible. Les deux factions lui envoient une députation solennelle. Le dalaï-lama commence, selon son divin usage, par leur distribuer sa chaise percée.

Les deux sectes rivales la reçoivent d’abord avec un respect égal, la font sécher au soleil, et l’enchâssent dans de petits chapelets qu’ils baisent dévotement ; mais dès que le dalaï-lama et son conseil ont prononcé au nom de Fo, voilà le parti condamné qui jette les chapelets au nez du vice-dieu, et qui lui veut donner cent coups d’étrivières. L’autre parti défend son lama dont il a reçu de bonnes terres ; tous deux se battent longtemps, et quand ils sont las de s’exterminer, de s’assassiner, de s’empoisonner réciproquement, ils se disent encore de grosses injures ; et le dalaï-lama en rit ; et il distribue encore sa chaise percée à quiconque veut bien recevoir les déjections du bon père lama.



RELIQUES.


On désigne par ce nom les restes ou les parties restantes du corps ou des habits d’une personne mise après sa mort, par l’Église, au nombre des bienheureux.

Il est clair que Jésus n’a condamné que l’hypocrisie des Juifs, en disant[1] : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui

  1. Matthieu, chapitre xxiii, v. 29. (Note de Voltaire.)