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RELIGION.

permis qu’il ait été frappé à l’oreillette gauche du cœur, et que le sang l’ait étouffé en un instant ? Vous ne trouverez assurément aucun bon catholique qui ne vous dise les mêmes vérités que moi.

le page.

Tais-toi, maître fou : si je croyais que tes docteurs enseignassent une doctrine si abominable, j’irais sur-le-champ les brûler dans leurs loges.

maître filesac.

Encore une fois, ne vous emportez pas, vous l’avez promis. Monseigneur le marquis de Conchini, qui est un bon catholique, saurait bien vous empêcher d’être assez sacrilége pour maltraiter mes confrères.

le page.

Mais en conscience, maître Filesac, est-il bien vrai que l’on pense ainsi dans ton parti ?

maître filesac.

Soyez-en très-sûr ; c’est notre catéchisme.

le page.

Écoute, il faut que je t’avoue qu’un de tes sorboniqueurs m’avait presque séduit l’an passé. Il m’avait fait espérer une pension sur un bénéfice. « Puisque le roi, me disait-il, a entendu la messe en latin, vous, qui n’êtes qu’un petit gentilhomme, vous pourriez bien l’entendre aussi sans déroger. Dieu a soin de ses élus ; il leur donne des mitres, des crosses, et prodigieusement d’argent. Vos réformés vont à pied et ne savent qu’écrire. » Enfin, j’étais ébranlé ; mais après ce que tu viens de me dire, j’aimerais cent fois mieux me faire mahométan que d’être de ta secte.

Ce page avait tort. On ne doit point se faire mahométan parce qu’on est affligé ; mais il faut pardonner à un jeune homme sensible et qui aimait tant Henri IV. Maître Filesac parlait suivant sa théologie, et le petit page selon son cœur.



RELIGION[1].


SECTION PREMIÈRE.


Les épicuriens, qui n’avaient nulle religion, recommandaient l’éloignement des affaires publiques, l’étude et la concorde. Cette

  1. Les deux premières sections composaient tout l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)