J’ai connu dans mon enfance un chanoine de Péronne, âgé de quatre-vingt-douze ans, qui avait été élevé par un des plus furieux bourgeois de la Ligue. Il disait toujours : Feu monsieur de Ravaillac. Ce chanoine avait conservé plusieurs manuscrits très-curieux de ces temps apostoliques, quoiqu’ils ne fissent pas beaucoup d’honneur à son parti ; en voici un qu’il laissa à mon oncle.
L’UN DES DEUX CONFESSEURS DE RAVAILLAC.
Dieu merci, mon cher enfant, Ravaillac est mort comme un saint. Je l’ai entendu en confession ; il s’est repenti de son péché, et a fait un ferme propos de n’y plus retomber. Il voulait recevoir la sainte communion ; mais ce n’est pas ici l’usage comme à Rome : sa pénitence lui en a tenu lieu, et il est certain qu’il est en paradis.
Lui, en paradis ? dans le jardin ? lui ! ce monstre !
Oui, mon bel enfant, dans le jardin, dans le ciel, c’est la même chose.
Je le veux croire ; mais il a pris un mauvais chemin pour y arriver.
Vous parlez en jeune huguenot. Apprenez que ce que je vous dis est de foi. Il a eu l’attrition ; et cette attrition, jointe au sacrement de confession, opère immanquablement salvation, qui mène droit en paradis, où il prie maintenant Dieu pour vous.
Je ne veux point du tout qu’il parle à Dieu de moi. Qu’il aille au diable avec ses prières et son attrition !
Dans le fond c’était une bonne âme. Son zèle l’a emporté, il a
- ↑ Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie. 1771. (B.)