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QUISQUIS. RAMUS.

reçus de messieurs du parlement de Paris, envoya aux présidents, conseillers et greffiers, la permission de se faire enterrer en habit de cordelier. L’année suivante il gratifia d’un semblable brevet les prévôts des marchands et échevins, et les principaux officiers de la ville. Il ne faut pas regarder cette permission comme une simple politesse, s’il est vrai que saint François fait régulièrement chaque année une descente en purgatoire pour en tirer les âmes de ceux qui sont morts dans l’habit de son ordre, comme l’assuraient ces religieux.

Voici un trait à ce sujet qui ne sera pas hors de propos. L’Estoile, dans ses Mémoires, année 1577, raconte qu’une fille fort belle, déguisée en homme, et qui se faisait appeler Antoine, fut découverte et prise dans le couvent des cordeliers de Paris. Elle servait, entre autres, frère Jacques Berson, qu’on appelait l’enfant de Paris, et le cordelier aux belles mains. Ces révérends Pères disaient tous qu’ils croyaient que c’était un vrai garçon. Elle en fut quitte pour le fouet, qui fut un grand dommage à la chasteté de cette fille qui se disait mariée, et qui par dévotion avait servi dix ou douze ans ces bons religieux, sans jamais avoir été intéressée en son honneur. Peut-être croyait-elle s’exempter, après la mort, d’un long séjour en purgatoire ; c’est ce que L’Estoile ne dit pas.

Le même évêque de Belley, que nous avions déjà cité, prétend qu’un seul ordre de mendiants coûte par an trente millions d’or pour le vêtement et la nourriture de ses moines, sans compter l’extraordinaire ; de sorte qu’il n’y a point de prince catholique qui lève tant sur ses sujets, que les cénobites mendiants qui sont dans ses États exigent de ses peuples. Que sera-ce si on y ajoute les trente-trois autres ordres ? On verra, dit-il, que les trente-quatre ensemble tirent plus des peuples chrétiens que les soixante-quatre de cénobites rentés ni tous les autres ecclésiastiques n’ont de bien. Avouons que c’est beaucoup dire.



QUISQUIS (DU) DE RAMUS ou LA RAMÉE[1],


Avec quelques observations utiles sur les persécuteurs, les calomniateurs, et les faiseurs de libelles.


Il vous importe fort peu, mon cher lecteur, qu’une des plus violentes persécutions excitées au xvie siècle contre Ramus ait

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)