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PURGATOIRE.

pour démontrer à leur manière que tous les livres des Machabées sont évidemment apocryphes. Voici leurs prétendues preuves :

Les Juifs n’ont jamais reconnu les livres des Machabées pour canoniques : pourquoi les reconnaîtrions-nous ?

Origène déclare formellement que l’histoire des Machabées est à rejeter, Saint Jérôme juge ces livres indiques de croyance.

Le concile de Laodicée, tenu en 367, ne les admit point parmi les livres canoniques ; les Athanase, les Cyrille, les Hilaire, les rejettent.

Les raisons pour traiter ces livres de romans, et de très-mauvais romans, sont les suivantes :

L’auteur ignorant commence par la fausseté la plus reconnue de tout le monde. Il dit[1] : « Alexandre appela les jeunes nobles qui avaient été nourris avec lui dès leur enfance, et il leur partagea son royaume tandis qu’il vivait encore. »

Un mensonge aussi sot et aussi grossier ne peut venir d’un écrivain sacré et inspiré.

L’auteur des Machabées, en parlant d’Antiochus Épiphane, dit : « Antiochus marcha vers Élimaïs ; il voulut la prendre et la piller[2], et il ne le put, parce que son discours avait été su des habitants ; et ils s’élevèrent en combat contre lui. Et il s’en alla avec une tristesse grande, et retourna en Babylone. Et lorsqu’il était encore en Perse, il apprit que son armée en Juda avait pris la fuite... et il se mit au lit, et il mourut l’an 149. »

Le même auteur[3] dit ailleurs tout le contraire. Il dit qu’Antiochus Épiphane voulut piller Persépolis, et non pas Élimaïs ; qu’il tomba de son chariot, qu’il fut frappé d’une plaie incurable ; qu’il fut mangé des vers ; qu’il demanda bien pardon au Dieu des Juifs ; qu’il voulut se faire juif : et c’est là qu’on trouve ce verset que les fanatiques ont appliqué tant de fois à leurs ennemis : « Orabat scelestus ille veniam quam non erat consecuturus, — le scélérat demandait un pardon qu’il ne devait pas obtenir. » Cette phrase est bien juive ; mais il n’est pas permis à un auteur inspiré de se contredire si indignement.

Ce n’est pas tout : voici bien une autre contradiction et une autre bévue. L’auteur fait mourir Antiochus Épiphane d’une troisième façon[4] ; on peut choisir. Il avance que ce prince fut lapidé dans le temple de Nanée. Ceux qui ont voulu excuser cette

  1. Livre I, chapitre i, v. 7. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre vi, v. 3 et suivants. (Id.)
  3. Livre II, chapitre ix. (Id.)
  4. Livre II, chapitre i, v. 13. (Id.)