Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
PURGATOIRE.
l’empereur.

Mais, dites-moi si vos princes chrétiens d’Europe payent à votre Italien à proportion de ma taxe.

père bouvet.

Non ; la moitié de cette Europe s’est séparée de lui, et ne le paye point : l’autre moitié paye le moins qu’elle peut.

l’empereur.

Vous me disiez ces jours passés qu’il était maître d’un assez joli pays.

père bouvet.

Oui ; mais ce domaine lui produit peu : il est en friche.

l’empereur.

Le pauvre homme ! il ne sait pas faire cultiver sa terre, et il prétend gouverner les miennes !

père bouvet.

Autrefois, dans un de nos conciles, c’est-à-dire dans un de nos sénats de prêtres, qui se tenait dans une ville nommée Constance, notre saint-père fit proposer une taxe nouvelle pour soutenir sa dignité. L’assemblée répondit qu’il n’avait qu’à faire labourer son domaine ; mais il s’en donna bien de garde : il aima mieux vivre du produit de ceux qui labourent dans d’autres royaumes. Il lui parut que cette manière de vivre avait plus de grandeur.

l’empereur.

Oh bien ! allez lui dire que non-seulement je fais labourer chez moi, mais que je laboure moi-même ; et je doute fort que ce soit pour lui.

père bouvet.

Ah ! sainte Vierge Marie ! je suis pris pour dupe.

l’empereur.

Partez vite, j’ai été trop indulgent.

frère attiret, à père Bouvet.

Je vous avais bien dit que l’empereur, tout bon qu’il est, avait plus d’esprit que vous et moi.



PURGATOIRE[1].


Il est assez singulier que les Églises protestantes se soient réunies à crier que le purgatoire fut inventé par les moines. Il est bien vrai qu’ils inventèrent l’art d’attraper de l’argent des

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)