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PRÊTRES DES PAÏENS.

Un bon prêtre doit être le médecin des âmes. Si Hippocrate avait ordonné à ses malades de prendre de l’ellébore sous peine d’être pendus, Hippocrate aurait été plus fou et plus barbare que Phalaris, et il aurait eu peu de pratiques. Quand un prêtre dit : Adorez Dieu, soyez juste, indulgent, compatissant, c’est alors un très-bon médecin ; quand il dit : Croyez-moi, ou vous serez brûlé, c’est un assassin.

Le magistrat doit soutenir et contenir le prêtre, comme le père de famille doit donner de la considération au précepteur de ses enfants et empêcher qu’il n’en abuse. L’accord du sacerdoce et de l’empire est le système le plus monstrueux : car dès qu’on cherche cet accord, on suppose nécessairement la division ; il faut dire : la protection donnée par l’empire au sacerdoce. Mais dans les pays où le sacerdoce a obtenu l’empire, comme dans Salem, où Melchisédech était prêtre et roi, comme dans le Japon, où le daïri a été si longtemps empereur, comment faut-il faire ? Je réponds que les successeurs de Melchisédech et des daïri ont été dépossédés.

Les Turcs sont sages en ce point. Ils font à la vérité le voyage de la Mecque ; mais ils ne permettent pas au shérif de la Mecque d’excommunier le sultan. Ils ne vont point acheter à la Mecque la permission de ne pas observer le ramadan, et celle d’épouser leurs cousines ou leurs nièces ; ils ne sont point jugés par des imans que le shérif délègue ; ils ne payent point la première année de leur revenu au shérif. Que de choses à dire sur tout cela ! Lecteur, c’est à vous de les dire vous-même.



PRÊTRES DES PAÏENS[1].


Dom Navarrète, dans une de ses lettres à don Juan d’Autriche, rapporte ce discours du dalaï-lama à son conseil privé :

« Mes vénérables frères, vous et moi nous savons très-bien que je ne suis pas immortel ; mais il est bon que les peuples le croient. Les Tartares du grand et du petit Thibet sont un peuple de col roide et de lumières courtes, qui ont besoin d’un joug pesant et de grosses erreurs. Persuadez-leur bien mon immortalité, dont la gloire rejaillit sur vous, et qui vous procure honneurs et richesses.

« Quand le temps viendra où les Tartares seront plus éclairés,

  1. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)