Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
LOIS (ESPRIT DES).

pour tâcher de les exterminer les uns par les autres. Clovis même eut à la fin la dignité de consul : il respecta toujours l’empire romain, même en s’emparant d’une de ses provinces. Il ne fit point frapper de monnaie en son propre nom ; toutes celles que nous avons de Clovis sont de Clovis II, et les nouveaux rois francs ne s’attribuèrent cette marque de puissance indépendante qu’après que Justinien, pour se les attacher à lui, et pour les employer contre les Ostrogoths d’Italie, leur eut fait une cession des Gaules en bonne forme.

Montesquieu condamne sévèrement l’abbé Dubos sur la fameuse lettre de Rémi, évêque de Reims, qui s’entendit toujours avec Clovis, et qui le baptisa depuis. Voici cette lettre importante :

« Nous apprenons de la renommée que vous vous êtes chargé de l’administration des affaires de la guerre, et je ne suis pas surpris de vous voir être ce que vos pères ont été. Il s’agit maintenant de répondre aux vues de la Providence, qui récompense votre modération en vous élevant à une dignité si éminente. C’est la fin qui couronne l’œuvre. Prenez donc pour vos conseillers des personnes dont le choix fasse honneur à votre discernement. Ne faites point d’exactions dans votre bénéfice militaire. Ne disputez point la préséance aux évêques dont les diocèses se trouvent dans votre département, et prenez leurs conseils dans les occasions. Tant que vous vivrez en bonne intelligence avec eux, vous trouverez toute sorte de facilité dans l’exercice de votre emploi, etc. »

On voit évidemment par cette lettre que Clovis, jeune roi des Francs, était officier de l’empereur Zénon ; qu’il était grand-maître de la milice impériale, charge qui répond à celle de notre colonel général ; que Rémi voulait le ménager, se liguer avec lui, le conduire, et s’en servir comme d’un protecteur contre les prêtres eusébiens de la Bourgogne, et que par conséquent Montesquieu a grand tort de se moquer tant de l’abbé Dubos, et de faire semblant de le mépriser. Mais enfin il vient un temps où la vérité s’éclaircit.

Après avoir vu qu’il y a des erreurs comme ailleurs dans l’Esprit des lois, après que tout le monde est convenu que ce livre manque de méthode, qu’il n’y a nul plan, nul ordre, et qu’après l’avoir lu on ne sait guère ce qu’on a lu, il faut rechercher quel est son mérite, et quelle est la cause de sa grande réputation.

C’est premièrement qu’il est écrit avec beaucoup d’esprit, et que tous les autres livres sur cette matière sont ennuyeux. C’est