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PHILOSOPHIE.

probre si douze ou quinze convulsionnaires, qui formèrent une cabale, pouvaient être regardés comme les organes de la France, eux qui n’étaient en effet que les ministres du fanatisme et de la sédition, eux qui ont forcé le roi à casser le corps qu’ils avaient séduit. Leurs manœuvres ne furent pas si violentes que du temps de la Fronde, mais ne furent pas moins ridicules. Leur fanatique crédulité pour les convulsions et pour les misérables prestiges de Saint-Médard était si forte qu’ils obligèrent un magistrat, d’ailleurs sage et respectable, de dire en plein parlement que « les miracles de l’Église catholique subsistaient toujours ». On ne peut entendre par ces miracles que ceux des convulsions. Assurément il ne s’en fait pas d’autres, à moins qu’on ne croie aux petits enfants ressuscités par saint Ovide. Le temps des miracles est passé ; l’Église triomphante n’en a plus besoin. De bonne foi, y avait-il un seul des persécuteurs de l’Encyclopédie qui entendît un mot des articles d’astronomie, de dynamique, de géométrie, de métaphysique, de botanique, de médecine, d’anatomie, dont ce livre, devenu si nécessaire, est chargé à chaque tome[1] ? Quelle foule d’imputations absurdes et de calomnies grossières n’accumula-t-on pas contre ce trésor de toutes les sciences ! Il suffirait de les réimprimer à la suite de l’Encyclopédie pour éterniser leur honte. Voilà ce que c’est que d’avoir voulu juger un ouvrage qu’on n’était pas même en état d’étudier. Les lâches ! ils ont crié que la philosophie ruinait la catholicité. Quoi donc ! sur vingt millions d’hommes s’en est-il trouvé un seul qui ait vexé le moindre habitué de paroisse ? un seul a-t-il jamais manqué de respect dans les églises ? un seul a-t-il proféré publiquement contre nos cérémonies une seule parole qui approchât de la virulence avec laquelle on s’exprimait alors contre l’autorité royale ?

Répétons que jamais la philosophie n’a fait de mal à l’État, et que le fanatisme, joint à l’esprit de corps, lui en a fait beaucoup dans tous les temps[2].

  1. On sait bien que tout n’est pas égal dans cet ouvrage immense, et qu’il n’est pas possible que tout le soit. Les articles des Cahusac et d’autres semblables intrus ne peuvent égaler ceux des Diderot, des d’Alembert, des Jaucourt, des Boucher d’Argis, des Venelle, des Dumarsais, et de tant d’autres vrais philosophes ; mais à tout prendre, l’ouvrage est un service éternel rendu au genre humain : la preuve en est qu’on le réimprime partout. On ne fait pas le même honneur à ses détracteurs. Ont-ils existé ? on ne le sait que par la mention que nous faisons d’eux. (Note de Voltaire.)
  2. Dans l’édition in-4o des Questions sur l’Encyclopédie (1774), une Section quatrième était composée du Discours de Me Belleguier, cité à la fin de la section ii. (Voyez les Mélanges, année 1773.) (B.)