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PARLEMENT DE FRANCE.

dants des provinces, et en quelque sorte contre le roi lui-même, fut celui du parlement de Toulouse contre le duc de Fitz-James Berwick, en date du 17 décembre 1763 : « Ordonne que ledit duc de Fitz-James sera pris, saisi et arrêté en quelque endroit du royaume qu’il se trouve » : c’est-à-dire que les huissiers toulousains pouvaient saisir au corps le duc de Fitz-James dans la chambre du roi même, ou à sa chapelle de Versailles. La cour dissimula longtemps cet affront ; aussi elle en essuya d’autres.

Cette étonnante anarchie ne pouvait pas subsister : il fallait ou que la couronne reprit son autorité, ou que les parlements prévalussent.

On avait besoin dans les conjonctures si critiques d’un chancelier aussi hardi que L’Hospital : on le trouva. Il fallait changer toute l’administration de la justice dans le royaume, et elle fut changée.

Le roi commença par essayer de ramener le parlement de Paris ; il le fit venir à un lit de justice qu’il tint à Versailles le 7 décembre 1770, avec les princes, les pairs, et les grands officiers de la couronne. Là, il lui défendit de se servir jamais des termes d’unité, d’indivisibilité, et de classes ;

D’envoyer aux autres parlements d’autres mémoires que ceux qui sont spécifiés par les ordonnances ;

De cesser le service, sinon dans les cas que ces mêmes ordonnances ont prévus ;

De donner leur démission en corps ;

De rendre jamais d’arrêt qui retarde les enregistrements, le tout sous peine d’être cassés.

Le parlement, sur cet édit solennel, ayant encore cessé le service, le roi leur fit porter des lettres de jussion ; ils désobéirent. Nouvelles lettres de jussion, nouvelle désobéissance. Enfin le monarque, poussé à bout, leur envoya pour dernière tentative, le 20 janvier 1771, à quatre heures du matin, des mousquetaires qui portèrent à chaque membre un papier à signer. Ce papier ne contenait qu’un ordre de déclarer s’ils obéiraient, ou s’ils refuseraient. Plusieurs voulurent interpréter la volonté du roi ; les mousquetaires leur dirent qu’ils avaient ordre d’éviter les commentaires : qu’il fallait un oui ou non.

Quarante membres signèrent ce oui, les autres s’en dispensèrent. Les oui étant venus le lendemain au parlement avec leurs camarades, leur demandèrent pardon d’avoir accepté, et signèrent non ; tous furent exilés.

La justice fut encore administrée par les conseillers d’État et les maîtres des requêtes, comme elle l’avait été en 1753 ; mais ce