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PARLEMENT DE FRANCE.

par les barbares qui vinrent fondre sur l’empire romain. Le clergé de Rome fut plus attentif : il enregistra tout, et toujours à son avantage. Les Visigoths, les Vandales, les Bourguignons, les Francs, et tous les autres sauvages n’avaient pas seulement de registres pour les mariages, les naissances et les morts. Les empereurs firent à la vérité, écrire leurs traités et leurs ordonnances ; elles étaient conservées tantôt dans un château, tantôt dans un autre ; et quand ce château était pris par quelque brigand, le registre était perdu. Il n’y a guère eu que les anciens actes déposés à la Tour de Londres qui aient subsisté. On n’en retrouva ailleurs que chez les moines, qui suppléèrent souvent par leur industrie à la disette des monuments publics.

Quelle loi peut-on avoir à ces anciens monuments après l’aventure des fausses décrétales qui ont été respectées, pendant cinq cents ans, autant et plus que l’Évangile ; après tant de faux martyrologes, de fausses légendes, et de faux actes ? Notre Europe fut trop longtemps composée d’une multitude de brigands qui pillaient tout, d’un petit nombre de faussaires qui trompèrent ces brigands ignorants, et d’une populace aussi abrutie qu’indigente, courbée vers la terre toute l’année pour nourrir tous ces gens-là.

On tient que Philippe-Auguste perdit son chartrier, ses titres ; on ne sait pas trop à quelle occasion, ni comment, ni pourquoi il faisait transporter aux injures de l’air des parchemins qu’il devait soigneusement enfermer sous la clef.

On croit qu’Étienne Boileau, prévôt de Paris du temps de saint Louis, fut le premier qui tint un journal, et qu’il fut imité par Jean de Montluc, greffier du parlement de Paris en 1313, et non en 1256, faute de pure inadvertance dans le grand dictionnaire, au mot Enregistrement[1].

Peu à peu les rois s’accoutumèrent à faire enregistrer au parlement plusieurs de leurs ordonnances, et surtout les lois que le parlement était obligé de maintenir.

C’est une opinion commune que la première ordonnance enregistrée est celle de Philippe de Valois sur ses droits de régale, en 1332, au mois de septembre, laquelle pourtant ne fut enregistrée qu’en 1334. Aucun édit sur les finances ne fut enregistré en cette cour, ni par ce roi, ni par ses successeurs, jusqu’à François Ier.

Charles V tint un lit de justice en 1374, pour faire enregistrer la loi qui fixe la majorité des rois à quatorze ans.

  1. Dans l’Encyclopédie, tome V, page 703 ; cet article est de Boucher d’Argis.