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ORACLES.

Licinius, au rapport de Sozomène, ayant dessein de recommencer la guerre contre Constantin, consulta l’oracle d’Apollon de Didyme, et en eut pour réponse deux vers d’Homère dont le sens est : « Malheureux vieillard, ce n’est point à toi à combattre contre les jeunes gens ; tu n’as point de force, et ton âge t’accable[1]. »

Un dieu assez inconnu nommé Besa, selon Ammien Marcellin, rendait encore des oracles sur des billets à Abyde, dans l’extrémité de la Thébaïde, sous l’empire de Constantius.

Enfin Macrobe, qui vivait sous Arcadius et Honorius, fils de Théodose, parle du dieu d’Héliopolis de Syrie et de son oracle, et des Fortunes d’Antium, en des termes qui marquent positivement que tout cela subsistait encore de son temps.

Remarquons qu’il n’importe que toutes ces histoires soient vraies, ni que ces oracles aient effectivement rendu les réponses qu’on leur attribue. Il suffit qu’on n’a pu attribuer de fausses réponses qu’à des oracles que l’on savait qui subsistaient encore effectivement ; et les histoires que tant d’auteurs on ont débitées prouvent assez qu’ils n’avaient pas cessé, non plus que le paganisme.

Constantin abattit peu de temples ; encore n’osa-t-il les abattre qu’en prenant le prétexte des crimes qui s’y commettaient. C’est ainsi qu’il fit renverser celui de Vénus aphacite, et celui d’Esculape qui était à Égès en Cilicie, tous deux temples à oracles ; mais il défendit que l’on sacrifiât aux dieux, et commença à rendre par cet édit les temples inutiles.

Il restait encore beaucoup d’oracles lorsque Julien parvint à l’empire ; il en rétablit quelques-uns qui étaient ruinés, et il voulut même être prophète de celui de Didyme. Jovin, son successeur, commençait à se porter avec zèle à la destruction du paganisme ; mais en sept mois qu’il régna, il ne put faire de grands progrès. Théodose, pour y parvenir, ordonna de fermer tous les temples des païens. Enfin l’exercice de cette religion fut défendu sous peine de la vie par une constitution des empereurs Valentinien et Marcien, l’an 451 de l’ère vulgaire, et le paganisme enveloppa nécessairement les oracles dans sa ruine.

Cette manière de finir n’a rien de surprenant, elle était la suite naturelle de l’établissement d’un nouveau culte. Les faits miraculeux, ou plutôt qu’on veut donner pour tels, diminuent

  1. Voici la traduction, par Dugas-Monthel, des deux vers d’Homère (Iliade, VIII. 102-3), dont Voltaire n’a donné que le sens : « Ô Nestor, de jeunes guerriers s’avancent pour te combattre ; cependant la force t’abandonne, et la pesante vieillesse t’accable. »