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ORACLES.

qu’on confirmât la religion qui nous apprend l’existence des démons, en leur rapportant ces événements.

Cependant les histoires qu’on débitait sur les oracles doivent être fort suspectes[1]. Celle de Thamus, à laquelle Eusèbe donne sa croyance, et que Plutarque seul rapporte, est suivie dans le même historien d’un autre conte si ridicule qu’il suffirait pour la décréditer ; mais de plus elle ne peut recevoir un sens raisonnable. Si ce grand Pan était un démon, les démons ne pouvaient-ils pas se faire savoir sa mort les uns aux autres, sans y employer Thamus ? Si ce grand Pan était Jésus-Christ, comment personne ne fut-il désabusé dans le paganisme, et ne vint-il à penser que le grand Pan fût Jésus-Christ mort en Judée, si c’était Dieu lui-même qui forçait les démons à annoncer cette mort aux païens ?

L’histoire de Thulis, dont l’oracle est positif sur la Trinité, n’est rapportée que par Suidas. Ce Thulis, roi d’Égypte, n’était pas assurément un des Ptolémées. Que deviendra tout l’oracle de Sérapis, étant certain qu’Hérodote ne parle point de ce dieu, tandis que Tacite conte tout au long comment et pourquoi un des Ptolémées fit venir de Pont le dieu Sérapis, qui n’était alors connu que là ?

L’oracle rendu à Auguste sur l’enfant hébreu à qui tous les dieux obéissent n’est point du tout recevable. Cedrenus le cite d’Eusèbe, et aujourd’hui il ne s’y trouve plus. Il ne serait pas impossible que Cedrenus citât à faux, ou citât quelque ouvrage faussement attribué à Eusèbe ; mais comment les premiers apologistes du christianisme ont-ils tous gardé le silence sur un oracle si favorable à leur religion ?

Les oracles qu’Eusèbe rapporte de Porphyre, attaché au paganisme, ne sont pas plus embarrassants que les autres. Il nous les donne dépouillés de tout ce qui les accompagnait dans les écrits de Porphyre. Que savons-nous si ce païen ne les réfutait pas ? Selon l’intérêt de sa cause il devait le faire ; et s’il ne l’a pas fait, assurément il avait quelque intention cachée, comme de les présenter aux chrétiens, à dessein de se moquer de leur crédulité s’ils les recevaient pour vrai et s’ils appuyaient leur religion sur de pareils fondements.

D’ailleurs quelques anciens chrétiens ont reproché aux païens qu’ils étaient joués par leurs prêtres. Voici comme en parle Clé-

  1. Voyez pour les citations l’ouvrage latin du docte Antoine Van Dale, d’où cet extrait est tiré. (Note de Voltaire.) — De Oraculis Ethnicorum. Amsterdam, 1700, in-4o.