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NOUVEAU, NOUVEAUTÉS.

Que celui qui a de l’entendement compte le nombre de la bête : car son nom est d’homme, et son nombre est 666[1]. »

On sait quelle peine tous les grands docteurs ont prise pour deviner le mot de l’énigme. Ce nombre, composé de 3 fois 2 à chaque chiffre, signifiait-il 3 fois funeste à la troisième puissance ? Il y avait deux bêtes ; et l’on ne sait pas encore de laquelle l’auteur a voulu parler. Nous avons vu que l’évêque Bossuet, moins heureux en arithmétique qu’en oraisons funèbres, a démontré que Dioclétien est la bête, parce qu’on trouve en chiffres romains 666 dans les lettres de son nom, en retranchant les lettres qui gâteraient cette opération. Mais en se servant de chiffres romains, il ne s’est pas souvenu que l’Apocalypse est écrite en grec. Un homme éloquent peut tomber dans cette méprise[2].

Le pouvoir des nombres fut d’autant plus respecté parmi nous qu’on n’y comprenait rien.

Vous avez pu, ami lecteur, observer au mot Figure quelles fines allégories Augustin, évêque d’Hippone, tira des nombres.

Ce goût subsista si longtemps qu’il triompha au concile de Trente. On y conserva les mystères, appelés Sacrements dans l’Église latine, parce que les dominicains, et Soto à leur tête, alléguèrent qu’il y avait sept choses principales qui contribuaient à la vie : sept planètes, sept vertus, sept péchés mortels, six jours de création et un de repos qui font sept ; plus, sept plaies d’Égypte : plus, sept béatitudes ; mais malheureusement les Pères oublièrent que l’Exode compte dix plaies, et que les béatitudes sont au nombre de huit dans saint Matthieu, et au nombre de quatre dans saint Luc. Mais des savants ont aplani cette petite difficulté en retranchant de saint Matthieu les quatre béatitudes de saint Luc ; reste à six : ajoutez l’unité à ces six, vous aurez sept. Consultez Fra Paolo Sarpi au livre second de son Histoire du Concile.



NOUVEAU, NOUVEAUTÉS[3].


Il semble que les premiers mots des Métamorphoses d’Ovide, In nova fert animus, soient la devise du genre humain. Personne

  1. Ce passage peut servir à trouver le temps où l’Apocalypse a été composée. Il est probable que c’est sous l’empire du tyran dont le nom est formé par des lettres telles que la somme de leurs valeurs numérales soit 666. D’après cela on a trouvé qu’elle avait été faite sous le règne de Caligula. (K.)
  2. Voyez l’article Apocalypse (seconde section). (Note de Voltaire.)
  3. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie. 1771. (B.)