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NOËL.

était dans le lieu très-saint, et qu’il y offrait le parfum, lorsque l’ange lui apparut et lui annonça la naissance d’un fils.

Troisièmement, comme le souverain sacrificateur n’entrait dans le sanctuaire qu’une fois l’année, le jour des expiations, qui était le 10 du mois judaïque tisri, qui répond en partie à celui de septembre, les anciens supposèrent que ce fut le 27, et ensuite le 23 ou le 24, que Zacharie étant de retour chez lui après la fête, Élisabeth sa femme conçut Jean-Baptiste. C’est ce qui fit mettre la fête de la conception de ce saint à ces jours-là. Comme les femmes portent leurs enfants ordinairement deux cent soixante et dix ou deux cent soixante et quatorze jours, il fallut placer la naissance de saint Jean au 24 juin. Voilà l’origine de la Saint-Jean : voici celle de Noël qui en dépend.

Quatrièmement, on suppose qu’il y eut six mois entiers entre la conception de Jean-Baptiste et celle de Jésus, quoique l’ange dit simplement à Marie[1] que c’était alors le sixième mois de la grossesse d’Élisabeth. On mit donc conséquemment la conception de Jésus au 25 mars, et l’on conclut de ces diverses suppositions que Jésus devait être né le 25 décembre, neuf mois précisément après sa conception.

Il y a bien du merveilleux dans ces arrangements. Ce n’est pas un des moindres que les quatre points cardinaux de l’année, qui sont les deux équinoxes et les deux solstices, tels qu’on les avait placés alors, soient marqués des conceptions et des naissances de Jean-Baptiste et de Jésus. Mais voici un merveilleux bien plus digne d’être remarqué. C’est que le solstice où Jésus naquit est l’époque de l’accroissement des jours, au lieu que celui où Jean-Baptiste vint au monde est l’époque de leur diminution. C’est ce que le saint précurseur avait insinué d’une manière très-mystique dans ces mots où, parlant de Jésus[2] : Il faut, dit-il, qu’il croisse et que je diminue.

C’est à quoi Prudence fait allusion dans une hymne sur la nativité du Seigneur. Cependant saint Léon[3] dit que de son temps il y avait à Rome des gens qui disaient que ce qui rendait la fête vénérable était moins la naissance de Jésus que le retour, et, comme ils s’exprimaient, la nouvelle naissance du soleil. Saint Épiphane[4] assure qu’il est constant que Jésus naquit le 6 de janvier, mais saint Clément d’Alexandrie, bien plus ancien et plus

  1. Luc, chapitre i, v. 36. (Note de Voltaire.)
  2. Jean, chapitre iii, v. 30. (Id.)
  3. Sermon 21, tome II, page 148. (Id.)
  4. Hérésie 51, n. 29. (Id.)