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ACTE II, SCÈNE II.

Que dis-je ? Assez longtemps les soupçons des Thébains
Entre Phorbas et lui flottèrent incertains.
Cependant ce grand nom qu’il s’acquit dans la guerre,
Ce titre si fameux de vengeur de la terre,
Ce respect qu’aux héros nous portons malgré nous,
Fit taire nos soupçons, et suspendit nos coups.
Mais les temps sont changés : Thèbes, en ce jour funeste,
D’un respect dangereux dépouillera le reste ;
En vain sa gloire parle à ces cœurs agités ;
Les dieux veulent du sang, et sont seuls écoutés.

Premier personnage du chœur.

Ô reine ! Ayez pitié d’un peuple qui vous aime ;
Imitez de ces dieux la justice suprême ;
Livrez-nous leur victime ; adressez-leur nos vœux :
Qui peut mieux les toucher qu’un cœur si digne d’eux ?

Jocaste.

Pour fléchir leur courroux s’il ne faut que ma vie,
Hélas ! C’est sans regret que je la sacrifie.
Thébains, qui me croyez encor quelques vertus,
Je vous offre mon sang : n’exigez rien de plus.
Allez.


Scène II.

JOCASTE, ÉGINE.
Égine.

Allez.Que je vous plains !

Jocaste.

Allez.Que je vous plains !Hélas ! Je porte envie
À ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie.
Quel état ! Quel tourment pour un cœur vertueux !

Égine.

Il n’en faut point douter, votre sort est affreux !
Ces peuples, qu’un faux zèle aveuglément anime,
Vont bientôt à grands cris demander leur victime.
Je n’ose l’accuser ; mais quelle horreur pour vous
Si vous trouvez en lui l’assassin d’un époux !

Jocaste.

Et l’on ose à tous deux faire un pareil outrage !
Le crime, la bassesse eût été son partage !