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ACTE DEUXIÈME.




Scène I.

JOCASTE, ÉGINE, ARASPE, le chœur.
Araspe.

Oui, ce peuple expirant, dont je suis l’interprète,
D’une commune voix accuse Philoctète,
Madame ; et les destins, dans ce triste séjour,
Pour nous sauver, sans doute, ont permis son retour.

Jocaste.

Qu’ai-je entendu, grands dieux !

Égine.

Qu’ai-je entendu, grandMa surprise est extrême !…

Jocaste.

Qui ? Lui ! Qui ? Philoctète !

Araspe.

Qui ? Lui ! Qui ? PhiloctèteOui, madame, lui-même.
À quel autre, en effet, pourraient-ils imputer
Un meurtre qu’à nos yeux il sembla méditer ?
Il haïssait Laïus, on le sait ; et sa haine
Aux yeux de votre époux ne se cachait qu’à peine :
La jeunesse imprudente aisément se trahit ;
Son front mal déguisé découvrait son dépit :
J’ignore quel sujet animait sa colère ;
Mais au seul nom du roi, trop prompt et trop sincère,
Esclave d’un courroux qu’il ne pouvait dompter,
Jusques à la menace il osa s’emporter :
Il partit ; et, depuis, sa destinée errante
Ramena sur nos bords sa fortune flottante.
Même il était dans Thèbes en ces temps malheureux
Que le ciel a marqués d’un parricide affreux :
Depuis ce jour fatal, avec quelque apparence
De nos peuples sur lui tomba la défiance.