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INTRODUCTION
AU THÉÂTRE DE VOLTAIRE.

La présente édition commence, conformément à un usage traditionnel, par le théâtre. Cet usage ne tient aucunement, comme on l’a dit, à l’espèce de préséance qu’on accordait à la poésie sur la prose. Mais c’est qu’il est bon que, dans la suite des œuvres complètes, l’auteur apparaisse successivement tel qu’il s’est montré à ses contemporains, et que l’on assiste autant que possible au développement graduel de son esprit. Je sais bien qu’en donnant d’abord le théâtre entier, si nous commençons par les premières œuvres que Voltaire ait produites dans sa jeunesse, nous donnons à la fin les dernières que sa vieillesse ait enfantées. Mais il n’importe. Sous quel aspect se révèle d’abord Voltaire ? Il se révèle d’abord comme poëte dramatique et comme poëte épique. C’est ainsi qu’il débute dans la vie littéraire, et c’est une raison fort concluante pour que, dans le long défilé de ses œuvres, nous donnions le premier rang aux pièces de théâtre et à la Henriade. Si nous commencions par les œuvres philosophiques plus considérables qui marquent la dernière partie de sa carrière, nous introduirions à coup sûr une certaine confusion qui serait sensible au lecteur. Supposons, pour prendre un exemple de nos jours, qu’on publie un jour les œuvres complètes de M. Sainte-Beuve. Ne faudra-t-il pas se conformer, non pas absolument sans doute, mais dans la mesure possible, à ce qui s’est passé dans l’existence de l’écrivain ? Ne faudrait-il pas placer d’abord ses poésies et ses études sur le XVIe siècle ? Si nous commencions par ses Causeries du lundi ou par l’Histoire de Port-Royal, nous commettrions une faute. Eh bien ! cette faute ne serait pas moindre, selon nous, si nous ouvrions la série des œuvres de Voltaire par le Dictionnaire philosophique et par l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations.

Lorsque Voltaire, vers sa dix-septième année, songea sérieusement à faire son entrée dans la carrière des lettres, c’est vers le théâtre, qui était alors comme aujourd’hui le grand chemin de la renommée, que l’élève du P. Porée tourna sa pensée. Il entreprit de lutter avec Pierre Corneille sur le sujet d’Œdipe roi, qui, depuis Sophocle, a tenté un si grand nombre de poëtes tragiques. Il avait ébauché son Œdipe à dix-huit ans. Deux ans plus tard, il cherchait à le faire accepter par les comédiens français,