Depuis que je respire,
Seigneur… eh quoi ! d’où vient que votre âme soupire ?
(Elle lui donne la croix.)
Ah ! daignez confier à mes tremblantes mains…
De quel trouble nouveau tous mes sens sont atteints !
(Il l’approche de sa bouche en pleurant.)
Seigneur, que faites-vous ?
Ô ciel ! ô Providence !
Mes yeux, ne trompez point ma timide espérance ;
Serait-il bien possible ? oui, c’est elle… je vois
Ce présent qu’une épouse avait reçu de moi,
Et qui de mes enfants ornait toujours la tête,
Lorsque de leur naissance on célébrait la fête ;
Je revois… je succombe à mon saisissement.
Qu’entends-je ? et quel soupçon m’agite en ce moment ?
Ah, seigneur !…
Dans l’espoir dont j’entrevois les charmes,
Ne m’abandonnez pas, Dieu qui voyez mes larmes !
Dieu mort sur cette croix, et qui revis pour nous.
Parle, achève, ô mon Dieu ! ce sont là de tes coups.
Quoi ! madame, en vos mains elle était demeurée ?
Quoi ! tous les deux captifs, et pris dans Césarée ?
Oui, seigneur.
Se peut-il ?
Leur parole, leurs traits,
De leur mère en effet sont les vivants portraits.
Oui, grand Dieu ! tu le veux, tu permets que je voie !…
Dieu, ranime mes sens trop faibles pour ma joie !
Madame… Nérestan… soutiens-moi, Chatillon…
Nérestan, si je dois vous nommer de ce nom,
Avez-vous dans le sein la cicatrice heureuse,
Du fer dont à mes yeux une main furieuse…