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ACTE DEUXIÈME.




Scène I.

NÉRESTAN, CHATILLON.
Chatillon.

Ô brave Nérestan, chevalier généreux,
Vous qui brisez les fers de tant de malheureux,
Vous, sauveur des chrétiens, qu’un Dieu sauveur envoie,
Paraissez, montrez-vous, goûtez la douce joie
De voir nos compagnons pleurant à vos genoux,
Baiser l’heureuse main qui nous délivre tous.
Aux portes du sérail en foule ils vous demandent ;
Ne privez point leurs yeux du héros qu’ils attendent,
Et qu’unis à jamais sous notre bienfaiteur…

Nérestan.

Illustre Chatillon, modérez cet honneur ;
J’ai rempli d’un Français le devoir ordinaire :
J’ai fait ce qu’à ma place on vous aurait vu faire.

Chatillon.

Sans doute ; et tout chrétien, tout digne chevalier,
Pour sa religion se doit sacrifier ;
Et la félicité des cœurs tels que les nôtres
Consiste à tout quitter pour le bonheur des autres.
Heureux, à qui le ciel a donné le pouvoir
De remplir comme vous un si noble devoir !
Pour nous, tristes jouets du sort qui nous opprime,
Nous, malheureux Français, esclaves dans Solyme,
Oubliés dans les fers, où longtemps, sans secours,
Le père d’Orosmane abandonna nos jours,
Jamais nos yeux sans vous ne reverraient la France.

Nérestan.

Dieu s’est servi de moi, seigneur : sa providence