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LE PRÉSIDENT.

Qu’est-ce que vous dites là ?

LA PRÉSIDENTE.

Quelles vapeurs avez-vous dans la tête ?

LE CHEVALIER, se jetant aux genoux de Madame du Cap-Vert.

Quoi : vous seriez effectivement ma mère ?

LE COMTE.

Mais qu’est-ce que ça ? qu’est-ce que ça ? (À M. du Cap-Vert.) Si vous êtes mon père, vous êtes donc un homme de qualité ?

M. DU CAP-VERT.

Malheureux ! comment-as-tu fait pour le devenir, et pour être gendre du président ?

LE COMTE.

Mais, mais, que me demandez-vous là ? que me demandez-vous là ? cela s’est fait tout seul, tout aisément. Premièrement, j’ai l’air d’un grand seigneur ; j’ai épousé d’abord la veuve d’un négociant qui m’a enrichi, et qui est morte : j’ai acheté des terres ; je me suis fait comte : j’ai épousé madame ; je veux qu’elle soit comtesse toute sa vie.

LA COMTESSE.

Dieu m’en préserve ! j’ai été trop maltraitée sous ce titre. Contentez-vous d’être fils de votre père, gendre de votre beau-père, et mari de votre femme.

M. DU CAP-VERT, au comte.

Écoute : s’il t’arrive de faire encore le seigneur, c’est-à-dire le fat, je te romprai bras et jambes, au chevalier. Et toi, mons le freluquet, par quel hasard es-tu dans cette maison ?

LE CHEVALIER.

Par un dessein beaucoup plus raisonnable que le vôtre, mon père, avec le respect que je vous dois : je voulais épouser mademoiselle, dont je suis amoureux, et qui me convient un peu mieux qu’à vous.

LE PRÉSIDENT.

Ma foi, tout ceci n’était point dans mes éphémérides. Voilà qui est fait, je renonce à l’astrologie.

LA PRÉSIDENTE.

Puisque ce malade-ci m’a trompée, je ne veux plus me mêler de médecine.

M. DU CAP-VERT.

Moi, je renonce à la mer pour le reste de ma vie.

LE COMTE.

Et moi, à mes sottises.