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FANCHON.

Ne pleurez donc point : songez-vous bien que je vais peut-être mourir de douleur dans un quart d’heure, moi qui vous parle ? mais cela ne m’empêche pas de rire en attendant. Ah ! voici votre fat de mari : emmitouflez-vous bien dans vos coiffes, s’il vous plaît. Monsieur le comte, arrivez, arrivez.


Scène VIII.

LE COMTE, LA COMTESSE, FANCHON.
LE COMTE.

Enfin donc, ma chère Fanchon, voici la divinité aux louis d’or et aux diamants.

FANCHON.

Oui, c’est elle-même : préparez-vous à lui rendre vos hommages.

LA COMTESSE.

Je tremble.

FANCHON.

Ma présence est un peu inutile ici : je vais trouver mon cher M. du Cap-Vert. Adieu ; comportez-vous en honnête homme.


Scène IX.

LE COMTE, LA COMTESSE, dans l’obscurité.
LE COMTE.

Quoi ! généreuse inconnue, vous m’accablez de bienfaits, vous daignez joindre à tant de hontes celle de venir jusque dans mon appartement, et vous m’enviez le bonheur de votre vue, qui est pour moi d’un prix mille fois au-dessus de vos diamants !

LA COMTESSE.

Je crains que, si vous me voyez, votre reconnaissance diminue : je voudrais être sûre de votre amour avant que vous puissiez lire le mien dans mes yeux.

LE COMTE.

Doutez-vous que je ne vous adore, et qu’en vous voyant je ne vous en aime d’avantage ?

LA COMTESSE.

Hélas ! oui ; c’est dont je doute, et c’est ce qui fait mon malheur.