Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA COMTESSE.

Oh ciel !

FANCHON

il m’a dit que j’avais eu deux ou trois enfants, mais qu’il ne s’en mettait pas en peine.

LA COMTESSE.

À quel excès…

FANCHON

Que cela ne l’empêcherait de rien.

LA COMTESSE.

Hélas !

FANCHON

Qu’il allait trouver mon père et ma mère.

LA COMTESSE.

Mais, ma sœur !…

FANCHON.

Qu’il signerait les articles ce soir.

LA COMTESSE.

Quels articles ?

FANCHON.

Et qu’il m’épouserait cette nuit.

LA COMTESSE.

Lui, ma sœur !

FANCHON, criant et pleurant.

En dût-il être cocu ! ah ! le cœur me fend. Monsieur le chevalier et moi, nous sommes inconsolables.

LA COMTESSE.

Je ne comprends rien à ce que vous me dites. Quoi : Monsieur le comte, mon mari…

FANCHON.

Eh non : ce n’est pas de votre mari dont je parle ; c’est du bourreau qui veut être le mien.

LA COMTESSE.

Quoi ! mon père s’obstine à vouloir vous donner pour mari ce grand vilain M. du Cap-Vert ? Que je vous plains, ma sœur ! Mais avez-vous parlé à monsieur le comte ?

FANCHON.

Au nom de Dieu, ma sœur, engagez mon père à différer ce mariage. Monsieur le chevalier vous en prie avec moi.

LE CHEVALIER.

Vous êtes sœurs ; vous devez vous rendre la vie douce l’une à l’autre ; et je voudrais vous rendre service à toutes deux.