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LE COMTE, en prenant l’argent.

Ma belle Fanchon, votre inconnue m’a la mine d’être une laideron, avec ses vingt mille francs.

FANCHON.

Elle est belle comme le jour ; et vous êtes un misérable, indigne que la petite Fanchon se mêle de vos affaires. Adieu ; tâchez de mériter mon estime et mes bontés.


Scène VII.

LE COMTE.

Franchement, je suis assez heureux. Né sans fortune, je suis devenu riche sans industrie ; inconnu dans Paris, il m’a été très aisé d’être grand seigneur ; tout le monde l’a cru, et je le crois à la fin moi-même plus que personne. J’ai épousé une belle femme (ad honores), j’ai le noble plaisir de la mépriser ; à peine manqué-je un peu d’argent, que voilà une femme de la première volée, titrée sans doute, qui me prête mille louis d’or, et qui ne veut être payée que par un rendez-vous ! Oh ! oui, madame, vous serez payée ; je vous attends chez moi tout le jour ; et, pour la première fois de ma vie, je passerai mon après-dînée sans sortir. Holà ! hé ! page, écoutez. Page, qu’on ne laisse entrer chez moi qu’une dame qui viendra avec la petite Fanchon.


Scène VIII.

M. DU CAP-VERT, heurtant à la porte ;
LE COMTE, L’ÉTRIER, LE PAGE.
LE COMTE.

Voici apparemment cette dame de qualité à qui j’ai tourné la tête.

LE PAGE, allant à la porte.

Est-ce vous, mademoiselle Fanchon ?

M. DU CAP-VERT, poussant la porte en dedans.

Eh ! ouvrez, ventrebleu ! voici une rade bien difficile : il y a une heure que je parcours ce bâtiment sans pouvoir trouver le patron. Où est donc le président et la présidente ? et où est Fanchon ?