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LE CHEVALIER.

Cela fait que j’ai connu M. du Cap-Vert lorsque j’étais enfant, et que je sais qu’il était marié à Bayonne.

LE PRÉSIDENT.

Eh bien ! je vois que vous ne savez pas le passé aussi bien que l’avenir. Je vous apprends qu’il n’est plus marié, que sa femme est morte il y a quinze ans, qu’il en avait environ cinquante quand il l’a perdue, et que, dès qu’il sera de retour, il épousera Fanchon. Allons tous souper.

LE CHEVALIER.

Oui. Mais je n’ai point ouï dire que sa femme fût morte.

FANCHON.

Je me trompe bien fort, ou les étoiles auront un pied de nez dans cette affaire, et je ne m’embarquerai pas avec M. du Cap-Vert.

LE CHEVALIER.

Au moins, mademoiselle, le voyage ne serait pas de long cours. Par le calcul de monsieur votre père, le pauvre cher homme a soixante-dix ans, et pourrait mourir de vieillesse avant de me faire mourir de douleur.

LA PRÉSIDENTE.

Allons, mon malade, ne vous amusez point ici. Tout ce que je connais du ciel à l’heure qu’il est, c’est qu’il tombe du serein. Donnez-moi la main, et venez vous mettre à table à côté de moi.


Scène V.

LA COMTESSE, FANCHON.
LA COMTESSE.

Demeure un peu, ma sœur Fanchon.

FANCHON.

Il faut que j’aille servir notre malade, ma chère comtesse : le ciel le veut comme cela.

LA COMTESSE.

Donne-moi pour un moment la préférence.

FANCHON.

Pour un moment, passe.

LA COMTESSE.

Je n’ai plus de confiance qu’en toi, ma petite sœur.