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168 PREFACE DE MARIA.MNE.

joué l’amour ridicule d’un vieil avare ; Racine a représenté loslai- biesses d’un grand roi, et les a rendues respectables.

Que l’on donne une noce à peindre à Watteau et à Le Rrim : l’un représentera, sous une treille, des paysans pleins d’une joie naïve, grossière et effrénée, autour d’une table rustique, où l’ivresse, l’emportement, la débauche, le rire immodéré, régne- ront ; l’autre peindra les noces de Tbétis et de Pelée, les festins des dieux, leur joie majestueuse : et tous deux seront arrivés à la perfection de leur art par des chemins différents.

On peut appli(|uer tous ces exemples à Mariamnc. La mauvaise- humeur d’une femme, l’amour d’un vieux mari, les tracasseries d’une belle-sœur, sont de petits objets, comiques par eux-mêmes ; mais un roi à qui la terre a donné le nom de (/rcnuf, éperduinent amoureux de la phis belle femme de l’univers ; la passion furieuse de ce roi si fameux par ses vertus et par ses crimes ; ses cruautés passées, ses remords présents, ce |)assage si continuel et si rapide de l’amour à la haine et de la liaiiie à l’amour : rand)ition de sa sœur, les intrigues de ses ministres ; la situation cruelle d’une princesse dont la vertu et la bonté sont célèbres encore dans le monde, qui avait vu son père et son frère livrés à la mort par son mari, et qui, pour comble de douleur, se voyait aimée du meur- trier de sa famille : quel champ ! (juelle carrière pour un autre génie que le mien ! Peut-on dire qu’un tel sujet soit indigne de la tragédie ’ ? C’est là surtout (pie.

Selon ce (lu’on pont Ofrc. Les clioses cliant’eiit de nom.

l. C’était ici que finissait la préface on 1730. La citation du prologue d’Am- phitryon, qui la termine aujourd’hui, est de 1740. Mais en 1725, après ces mots : « indigne de la tragédie ; <, on lisait de pins :

« Je souhaite sincèrement que le même auteur qui va donner une nouvelle trag(5die d’OEdiije retouche aussi le sujet de Mariamrie. il fera voir au public quelles ressources un génie fécond peut trouver dans ces deux grands sujets, (^e qu’il fera m’apprendra ce que j’aurais du faire. Il commencera oîi je finis. Ses succès me seront cliers, parce qu’ils seront pour moi des leçons, et parce que je préfère la perfection de mon art à ma réputation.

« Je profite ; de l’occasion de cette préface pour avertir que le poëme de la Linue, que j’ai promis, n’est point celui dont on a plusieurs éditions, et qu’on débite sons mon nom. Surtout je désavoue celui qui est imprimé à Amsterdam, chez Jean-Fré- déric Bernard, en I7’2i. On y a ajouté beaucoup de pièces fugitives dont la plupart ne sont point de moi ; et le |)etit nombre de celles qui m’ai)p ; irtiennent y est entière- ment défiguré.

« Je suis dans la rc’solution de satisfaire le plus pr^mptement ([u’il nie sei’a pos- sible aux engagements que j’ai pris avec le public pour l’édition de ce poème. J’ai fait graver, avec beaucoup de soin, des estampes très-belles sur les dessins de MJI. de