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ACTE III, SCÈNE IV.

C’est au ciel que j’implore à me déterminer.
Ce ciel enfin s’apaise, il veut nous pardonner ;
Et bientôt, retirant la main qui nous opprime,
Par la voix du grand-prêtre il nomme la victime ;
Et je laisse à nos dieux, plus éclairés que nous,
Le soin de décider entre mon peuple et vous.

Philoctète.

Votre équité, seigneur, est inflexible et pure ;
Mais l’extrême justice est une extrême injure :
Il n’en faut pas toujours écouter la rigueur.
Des lois que nous suivons la première est l’honneur,
Je me suis vu réduit à l’affront de répondre
À de vils délateurs que j’ai trop su confondre.
Ah ! Sans vous abaisser à cet indigne soin,
Seigneur, il suffisait de moi seul pour témoin :
C’était, c’était assez d’examiner ma vie ;
Hercule appui des dieux, et vainqueur de l’Asie,
Les monstres, les tyrans, qu’il m’apprit à dompter,
Ce sont là les témoins qu’il me faut confronter.
De vos dieux cependant interrogez l’organe :
Nous apprendrons de lui si leur voix me condamne.
Je n’ai pas besoin d’eux, et j’attends leur arrêt
Par pitié pour ce peuple, et non par intérêt.


Scène IV.

ŒDIPE, JOCASTE, LE GRAND-PRÊTRE, ARASPE, PHILOCTÈTE, ÉGINE, suite, le chœur[1].
Œdipe.

Eh bien ! Les dieux, touchés des vœux qu’on leur adresse,
Suspendent-ils enfin leur fureur vengeresse ?
Quelle main parricide a pu les offenser ?

Philoctète.

Parlez, quel est le sang que nous devons verser ?

  1. C’est à cette scène, sans doute, que Voltaire s’avisa de paraître en portant la queue du grand-prêtre. La maréchale de Villars, qui assistait à la représentation, demanda quel était ce jeune homme qui voulait faire tomber la pièce. C’est l’auteur, lui répondit-on. Émerveillée de tant d’audace, elle se le fit présenter, et lui fit le plus charmant accueil.