Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
FANATISME.

ladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux ; leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.

Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tordre leurs membres et écumer. Ils criaient : Il faut du sang. Ils sont parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais[1], et ils ont fini par ne crier que contre les philosophes.

Ce sont presque toujours[2] les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. Il n’y a eu qu’une seule religion dans le monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non-seulement exemples de cette peste, mais elles en étaient le remède : car l’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre.

Ainsi du plumage qu’il eut
Icare pervertit l’usage :
Il le reçut pour son salut,
Il s’en servit pour son dommage.

(Bertaud, évêque de Séez.)


SECTION III[3].


Les fanatiques ne combattent pas toujours les combats du Seigneur[4]. ils n’assassinent pas toujours des rois et des princes. Il y a parmi eux des tigres, mais on y voit encore plus de renards.

Quel tissu de fourberies, de calomnies, de larcins, tramé par les fanatiques de la cour de Rome contre les fanatiques de la cour

  1. Damiens ; voyez le chapitre xxxvii du Précis du Siècle de Louis XV.
  2. En 1764 on lisait : « Ce sont d’ordinaire les fripons. » (B.)
  3. Section ii, dans la sixième partie des Questions sur l’Encyclopédie, en 1771. (B.)
  4. Voyez la note 1 de la page 79.