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LANGUES.

fin de son vers la première lettre du mot qui commence le vers qui suit :

Jove non probante u-
xorius amnis.

(Hor., lib. I, od. ii, 19-20.)

Ce dieu du Tibre ai-
mait beaucoup sa femme.

Que dirons-nous de ces vers harmonieux :

Septimi, Gades aditure mecum, et
Cantabrum indoctum juga ferre nostra, et...

(Hor., lib. II, od. vi, 1-2.)

Septime, qu’avec moi je mène à Cadix, et
Qui verrez le Cantabre ignorant du joug, et...

Horace en a cinquante de cette force, et Pindare en est tout rempli.

« Tout est noble dans Horace, » dit Dacier dans sa préface. N’aurait-il pas mieux fait de dire : Tantôt Horace a de la noblesse, tantôt de la délicatesse et de l’enjouement, etc. ?

Le malheur des commentateurs de toute espèce est, ce me semble, de n’avoir jamais d’idée précise, et de prononcer de grands mots qui ne signifient rien. M. et Mme Dacier y étaient fort sujets avec tout leur mérite.

Je ne vois pas quelle noblesse, quelle grandeur peut nous frapper dans ces ordres qu’Horace donne à son laquais, en vers qualifiés du nom d’ode. Je me sers, à quelques mots près, de la traduction même de Dacier :

« Laquais, je ne suis point pour la magnificence des Perses. Je ne puis souffrir les couronnes pliées avec des bandelettes de tilleul. Cesse donc de t’informer où tu pourras trouver des roses tardives. Je ne veux que du simple myrte sans autre façon. Le myrte sied bien à un laquais comme toi, et à moi, qui bois sous une petite treille. »

Ses vers contre de pauvres vieilles, et contre des sorcières, me semblent encore moins nobles que l’ode à son laquais. Mais revenons à ce qui dépend uniquement de la langue. Il paraît évident que les Romains et les Grecs se donnaient des libertés qui seraient chez nous des licences intolérables. Pourquoi voyons-nous tant de moitié de mots à la fin des vers