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INQUISITION.

le nommé Roger, porteur des présentes, à condition qu’il se fera fouetter par un prêtre trois dimanches consécutifs depuis l’entrée de la ville jusqu’à la porte de l’église, qu’il fera maigre toute sa vie, qu’il jeûnera trois carêmes dans l’année, qu’il ne boira jamais de vin, qu’il portera le san-benito avec des croix, qu’il récitera le bréviaire tous les jours, dix pater dans la journée, et vingt à l’heure de minuit ; qu’il gardera désormais la continence, et qu’il se présentera tous les mois au curé de sa paroisse, etc. ; tout cela sous peine d’être traité comme hérétique, parjure, et impénitent. »

[1]Quoique Dominique soit le véritable fondateur de l’Inquisition, cependant Louis de Paramo, l’un des plus respectables écrivains et des plus brillantes lumières du Saint-Office, rapporte, au titre second de son second livre, que Dieu fut le premier instituteur du Saint-Office, et qu’il exerça le pouvoir des frères prêcheurs contre Adam. D’abord Adam est cité au tribunal : Adam, ubi es ? et en effet, ajoute-t-il, le défaut de citation aurait rendu la procédure de Dieu nulle.

Les habits de peau que Dieu fit à Adam et à Ève furent le modèle du san-benito que le Saint-Office fait porter aux hérétiques. Il est vrai que par cet argument on prouve que Dieu fut le premier tailleur ; mais il n’est pas moins évident qu’il fut le premier inquisiteur.

Adam fut privé de tous les biens immeubles qu’il possédait dans le paradis terrestre : c’est de là que le Saint-Office confisque les biens de tous ceux qu’il a condamnés.

Louis de Paramo remarque que les habitants de Sodome furent brûlés comme hérétiques, parce que la sodomie est une hérésie formelle. De là il passe à l’histoire des Juifs ; il y trouve partout le Saint-Office.

Jésus-Christ est le premier instituteur de la nouvelle loi ; les papes furent inquisiteurs de droit divin, et enfin ils communiquèrent leur puissance à saint Dominique.

Il fait ensuite le dénombrement de tous ceux que l’Inquisition a mis à mort ; il en trouve beaucoup au delà de cent mille.

Son livre fut imprimé en 1598 à Madrid, avec l’approbation des docteurs, les éloges de l’évêque, et le privilége du roi. Nous ne concevons pas aujourd’hui des horreurs si extravagantes à la fois et si abominables ; mais alors rien ne paraissait plus naturel

  1. Cet alinéa et les quinze qui suivent étaient dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1770, etc., au mot Aranda. Voyez tome XVII, pages 345-40.