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INQUISITION.

des hommes. Mais Souza, dans le récit qu’il substitue à celui de Paramo, se rend suspect lui-même de mauvaise foi en citant deux bulles de Paul III, et deux autres du même pape au cardinal Henri, frère du roi ; bulles que Souza n’a point fait imprimer dans son ouvrage, et qui ne se trouvent dans aucune des collections de bulles apostoliques : deux raisons décisives de rejeter son sentiment et de s’en tenir à celui de Paramo, d’Illescas, de Salazar, de Mendoça, de Fernandez, de Placentinus, etc.

Quand les Espagnols passèrent en Amérique, ils portèrent l’Inquisition avec eux ; les Portugais l’introduisirent aux Indes aussitôt qu’elle fut autorisée à Lisbonne : c’est ce qui fait dire à Louis de Paramo, dans sa préface, que cet arbre florissant et vert a étendu ses racines et ses branches dans le monde entier, et a porté les fruits les plus doux.

Pour nous former actuellement quelque idée de la jurisprudence de l’Inquisition, et de la forme de sa procédure, inconnue aux tribunaux civils, parcourons le Directoire des inquisiteurs, que Nicolas Eymeric, grand-inquisiteur dans le royaume d’Aragon vers le milieu du xive siècle, composa en latin et adressa aux inquisiteurs ses confrères, en vertu de l’autorité de sa charge[1].

Peu de temps après l’invention de l’imprimerie, on donna à Barcelone (en 1503) une édition de cet ouvrage, qui se répandit bientôt dans toutes les inquisitions du monde chrétien. Il en parut une seconde à Rome, en 1578, in-folio, avec des scolies et des commentaires de François Pegna, docteur en théologie et canoniste.

Voici l’éloge qu’en fait cet éditeur dans son épitre dédicatoire au pape Grégoire XIII : « Tandis que les princes chrétiens s’occupent de toutes parts à combattre par les armes les ennemis de la religion catholique, et prodiguent le sang de leurs soldats pour soutenir l’unité de l’Église et l’autorité du siége apostolique, il est aussi des écrivains zélés qui travaillent dans l’obscurité, ou à réfuter les opinions des novateurs, ou à armer et à diriger la puissance des lois contre leurs personnes, afin que la sévérité des peines et la grandeur des supplices, les contenant dans les bornes du devoir, fassent sur eux ce que n’a pu faire l’amour de la vertu.

« Quoique j’occupe la dernière place parmi ces défenseurs de la religion, je suis cependant animé du même zèle pour réprimer

  1. L’abbé Morellet a donné un abrégé de l’ouvrage d’Eymeric, en 1762. Voyez la note 2, tome XVII, page 346.