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INFLUENCE.

l’âge de treize ans, vient de faire imprimer un Traité de la mesure des courbes à double courbure.

La méthode de Newton a deux parties : le calcul différentiel, et le calcul intégral.

Le différentiel consiste à trouver une quantité plus petite qu’aucune assignable, laquelle, prise une infinité de fois, égale la quantité donnée ; et c’est ce qu’en Angleterre on appelle la méthode des fluentes ou des fluxions. L’intégral consiste à prendre la somme totale des quantités différentielles.

Le célèbre philosophe Leibnitz et le profond mathématicien Bernouilli ont tous deux revendiqué, l’un le calcul différentiel, l’autre le calcul intégral ; il faut être capable d’inventer des choses si sublimes pour oser s’en attribuer l’honneur. Pourquoi trois grands mathématiciens, cherchant tous la vérité, ne l’auraient-ils pas trouvée ? Torricelli, La Loubère, Descartes, Roberval, Pascal, n’ont-ils pas tous démontré, chacun de leur côté, les propriétés de la cycloïde, nommée alors la roulette ? N’a-t-on pas vu souvent des orateurs, traitant le même sujet, employer les mêmes pensées sous des termes différents ? Les signes dont Newton et Leibnitz se servaient étaient différents, et les pensées étaient les mêmes.

Quoi qu’il en soit, l’infini commença alors à être traité par le calcul. On s’accoutuma insensiblement à recevoir des infinis plus grands les uns que les autres. Cet édifice si hardi effraya un des architectes. Leibnitz n’osa appeler ces infinis que des incomparables ; mais M. de Fontenelle vient enfin d’établir ces différents ordres d’infinis sans aucun ménagement[1] et il faut qu’il ait été bien sûr de son fait pour l’avoir osé[2].



INFLUENCE[3].


Tout ce qui vous entoure influe sur vous en physique, en morale ; vous le savez assez.

Peut-on influer sur un être sans toucher, sans remuer cet être ?

  1. Géométrie de l’infini, publiée en 1727.
  2. Cette version est encore dans l’édition de 1746 ; mais celle de 1748 porte :

    « .... que des incomparables. Ceux qui ne savent pas de quoi il est question pensent qu’on connaît l’infini comme on connaît que dix et dix font vingt ; mais cet infini n’est au fond que l’impuissance de compter jusqu’au bout, et la hardiesse de mettre en ligne de compte ce qu’on ne saurait comprendre. » (B.)

  3. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)