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IMAGINATION.

un concert harmonieux, etc., etc. ; les hôpitaux des fous sont remplis de pareilles imaginations.

On distingue l’imagination qui dispose les événements d’un poëme, d’un roman, d’une tragédie, d’une comédie, qui donne aux personnages des caractères, des passions ; c’est ce qui demande le plus profond jugement et la connaissance la plus fine du cœur humain : talents nécessaires avec lesquels pourtant on n’a encore rien fait ; ce n’est que le plan de l’édifice.

L’imagination qui donne à tous ces personnages l’éloquence propre de leur état, et convenable à leur situation : c’est là le grand art, et ce n’est pas encore assez.

L’imagination dans l’expression, par laquelle chaque mot peint une image à l’esprit sans l’étonner, comme dans Virgile :

Remigium alarum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(Æn., VI, 19.)

Mœrentem abjungens fraterna morte juvencum.

(Georg., III, 518.)

. . . . . . . . . . . . . . Velorum pandimus alas.

(Æn., III, 520.)

Pendent circum oscula nati

(Georg., II, 523.)

Immortale jecur tundens, fœcundaque pœnis
Viscera.

(Æn., VI, 598.)

Et caligantem nigra formidine lucum.

(Georg., IV, 468.)

Fata vocant, conditque natantia lumina somnus.

(Georg., IV, 496.)


Virgile est plein de ces expressions pittoresques dont il enrichit la belle langue latine, et qu’il est si difficile de bien rendre dans nos jargons d’Europe, enfants bossus et boiteux d’un grand homme de belle taille, mais qui ne laissent pas d’avoir leur mérite, et d’avoir fait de très-bonnes choses dans leur genre.

Il y a une imagination étonnante dans les mathématiques. Il faut commencer par se peindre nettement dans l’esprit la figure, la machine qu’on invente, ses propriétés ou ses effets. Il y avait